Quand il reçoit en 1994 le Grand Prix du jury du festival de Cannes pour Soleil Trompeur, Nikita Mikhalkov est l’un des plus grands cinéastes du monde, un des plus respectés. Mikhalkov revendique depuis toujours son patriotisme et il fut même envisagé il y a dix ans qu’il se présente à l’élection de la présidence Russe, ce qu’il n’a finalement jamais fait. En revanche, Mikhalkov est le président de la Société des réalisateurs de films russe et s’attire pas mal d’inimitiés pour sa faculté à n’oeuvrer que dans son seul intérêt à lui.
Mikhalkov a ainsi réussi à financer la très ambitieuse suite à Soleil Trompeur. L’ambition se ressent dans la débauche de moyens mobilisés et beaucoup moins par ailleurs. Le cinéaste s’est fait spécialiste des grandes fresques et Soleil Trompeur 2 s’apparente bien davantage à un blockbuster qu’à la suite logique du premier film. En effet, les deux métrages n’ont rien à voir, sinon le casting, notamment la fille de Mikhalkov qui a bien grandi et est bien moins attachante maintenant.
Dans Soleil Trompeur, Mikhalkov évoquait les Grandes Purges staliniennes mais de façon quelque peu détournée, en s’exilant dans le calme de la campagne loin des troubles moscovites. Le cadre intime de Soleil Trompeur est complètement éclaté dans sa suite, une fausse suite qui reprend les personnages centraux initiaux, mais se démarque à tout point de vue du modèle original. Le cadre intime est éclaté car Mikhalkov choisit cette fois de nous transporter dans l’action, quitte à livrer un film aventureux/de guerre, plus spectaculaire qu’intéressant.
Le cinéaste semble se préoccuper plus de divertir les masses plutôt que de faire preuve de la même subtilité, la même poésie et le même charme que dans ses films d’il y a vingt ans. L’héroïsme des combattants russes est exalté, mais soyons franc, pas plus que ça. L’hommage à tous ces soldats qui se sont sacrifiés pour la Russie face aux armée hitlériennes, est quand même bien réel.
L’ennui est que Mikhalkov, qui n’est donc plus le cinéaste qu’il a été, cède trop à la facilité, fait preuve de très mauvais goût (le lâchage de bombes…), pour amuser la galerie et nous emporter dans un tourbillon de sentiments typiquement russes sauf que ça ne marche en fait pas, ou pas complètement.
L’intérêt de cette suite est assez nul, même si le film, par son entrain et ses moyens peut se regarder sans que l’on regarde trop sa montre malgré la durée (2h30). Mikhalkov termine le film par un « la suite au prochain épisode » qui laisse perplexe. On aura alors sans doute à revoir les personnages, sauf que l’on se désole de ce que Mikhalkov en a déjà fait pour cette fois. Soleil Trompeur était clairement d’un tout autre niveau.
Benoît Thevenin