Somewhere de Sofia Coppola (2010)

Avec son quatrième film, primé par le Lion d’Or à Venise en septembre dernier, Sofia Coppola reste accolée toujours, avec une certaine réussite, à ses mêmes thématiques. Elle parvient à se renouveler un peu par la forme, mais fini par inquiéter par sa façon de faire du surplace et dans une absence d’idée…

L’ouverture de Somewhere, une Ferrari qui effectue – en plan fixe – plusieurs tours d’un circuit, laisse songer immédiatement à The Brown Bunny de Vincent Gallo. L’idée qui s’immisce ne sera gère confirmée par la suite, certes, mais on trouve déjà là un signe concernant l’ambition de Sofia Coppola pour son quatrième film.

La réalisatrice, dont on avait plus enregistrer de nouvelles depuis sa chronique pop des derniers jours de Marie-Antoinette en 2006, change non pas de registre, mais de façon de faire du cinéma. Les thématiques restent invariablement les mêmes que celles depuis son premier film (Virgin Suicides, 1999), le ton est toujours à la mélancolie, mais la forme évolue vers plus de simplicité, un dépouillement presque ascétique.

Sofia Coppola compose son métrage dans un style naturaliste qui ne permet par exemple pas de constater de façon ostensible le faste dans lequel évolue le personnage principal, une star de cinéma échouée à l’hôtel Château-Marmont à Los Angeles, un endroit connu pour attirer du beau monde et qui est aussi légendaire pour les quelques anecdotes tragiques qui balisent son existence.

La forme simple, ce sont donc une succession de longs plans fixes, qui traduisent un ennui que la cinéaste à toujours peint différemment dans ses autres films. En soit, rien de transcendant, rien d’original, mais le style tranche par rapport à ce que l’on connaissait de Sofia Coppola, et c’est en fin de compte assez notable. Sans frou-frou ni trompette, la cinéaste habille quand même très bien, de manière habile, un vide existentiel qui menace pourtant rapidement d’être plombant.

Comme dans tous ses autres films, l’histoire est celle d’un personnage isolé du reste du monde, qui vit en vase clos dans un espace défini. La maison familiale dans laquelle les soeurs Lisbon sont condamnées à rester enfermées (Virgin Suicides), l’hôtel tokyoïte ou s’effectue la rencontre entre Bob et Charlotte (Lost in translation), Le château de Versailles (Marie-Antoinette) et ici l’hôtel Château-Marmont sont autant de prisons dorées, officiellement ouvertes sur le monde extérieure, mais ou les personnages restent globalement confinés, de gré ou de force, et dans une absence de relation directe avec la société.

Dans Somewhere, Johnny Marco (Stephen Dorff) convole de femme en femme, sans grande originalité, et sans grand enthousiasme de sa part non plus, mais il reste essentiellement lié à sa fille. Leur relation est quasi exclusive. Entre eux, personne n’existe véritablement, ou de façon éphémère et inconséquente. Johnny et sa fille forment une sorte de couple qui n’a aucune prise sur le monde réel.

D’aucun y verra en filigrane quelque chose de la relation que Sofia Coppola pouvait avoir adolescente avec son père, et il semble évident en effet que la cinéaste a inséré dans ses scènes une petite somme au moins de ses souvenirs personnels. Ce n’est pas non plus ça qui compte. Aucune péripétie n’est exceptionnelle. Sofia Coppola installe dans le contexte quand même hors-norme de l’hôtel Château-Marmont, un sentiment extrême de banalité, de trivialité même. La mayonnaise prend assez bien, sans doute parce que les personnages sont bien écrits, parce que Stephen Dorff est charismatique et parce que Elle Fanning n’a rien du caractère insupportable qu’a souvent sa soeur Dakota dans quelque film que ce soit. Il y a un vrai sentiment de vérité dans la relation entre ce père et sa fille et c’est ce qui nourrit le film véritablement, qui permet à Sofia Coppola de capter et captiver le spectateur.

La partition est bien exécutée mais Sofia Coppola, à mesure que le film avance – à défaut d’évoluer vraiment – parait de moins en moins savoir ou elle nous mène. Elle ne le sait tellement pas qu’elle se laisse aller à une conclusion la plus convenue possible, mais aussi la plus risible. Les larmes de Stephen Dorff au téléphone paraissent soudain fausses, et le dernier plan du film, ce qui semble un geste d’abandon, est dès plus ridicule. Les cinq dernières minutes de Somewhere sont particulièrement décevantes. C’est bien dommage, car dans l’ensemble le film est plaisant et même très bon. Sauf que, si Sofia Coppola a toujours érigé la vacuité de ses films en thématique principale, elle se laisse là rattraper in extremis par ce qui révèle grossièrement un cruel manque de perspective. Ca ne va pas jusqu’à gâcher le film mais ça sème soudain le doute sur la faculté de Sofia Coppola à inventer, à se renouveler au moins, à proposer un cinéma différent qui s’émanciperait du même schéma qu’elle a pour le moment toujours réutilisé, mais avec une réussite à chaque fois moindre…

Benoît Thevenin


Somewhere – Note pour ce film :

Sortie française le 5 janvier 2011


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5 commentaires sur “Somewhere de Sofia Coppola (2010)”

  1. Cine-emotions dit :

    Moi j’ai vraiment beaucoup aimé ce dernier film de Sofia Coppola. Son style est toujours présent, les thématiques aussi, en rajoutant quelques petites originalités et un ton de sincérité vraiment touchant, en plus d’un BO formidable.

    En bref un très beau film.

    PS: Dakota Fanning a eu un super rôle dans The Runaways 😉

  2. Joe dit :

    Vacuité,c’est tout ce qu’il y a dire sur ce film,pauvres gosses de riches!pauvres stars,Chateau Marmont,quel enfer!l’horreur absolue,le mec qui se tape toutes les nénettes qui passent,quelle solitude!les belles voitures,le fric qui dégouline,c’est terrible!!!la Sofia,elle me gonfle,si elle n’etait pas la fille de son père,personne ne l’encenserait comme ça,déja avec « lost in translation »je m’etais un pen ennuyée,je me demandais si j’etais normale de pas trop aimer,mais là je ne me pose plus la question

  3. Phil Siné dit :

    bon, dommage pour la fin, mais ça attise quand même encore un peu plus ma curiosité pour le film… surement au programme ce week end ! :)

  4. selenie dit :

    Après 3 très grands films Sofia Coppola ne trébuche pas elle tombe ! Autant ses 3 premiers films racontaient quelque chose avec du fond et de la forme autant ici c’est le film du néant. Oui on comprend bien que Sofia Coppola s’identifie à cette star (jouée par un Stephen Dorff touchant)ça reste sans doute un film assez personnel mais elle nous oublie en route. Entre Ferrari les pouffes faciles et surtout la pub pour Wii sport on a fait le tour du film. Même la relation père-fille prend l’eau car jamais cette relation n’est approfondie. Il ne reste que quelques magnifiques scènes (les regards échangés père-fille) où la grâce surprend dans ce film inepte et sans intérêt. Une déception, une très grande déception la première de l’année 2011… 0/4

  5. BMR dit :

    Belle analyse des prisons dorés de Sofia Coppola, je souscris.
    Les créatures de Sofia Coppola sont arrivées sur terre par accident et ne savent guère quoi faire pour y survivre.
    C’était le cas des jeunes filles suicidaires, de l’amateur de whisky à Tokyo ou encore de la jeune princesse autrichienne en Converse.
    Ici c’est Stephen Dorff qui s’y colle, acteur de série B, sorti de l’oubli par la fée Sofia et jouant ici le rôle … d’un acteur.
    Au long de ses œuvres, Sofia Coppola filme le spleen romantique du XXI° siècle.
    Elle filme l’inanité et la vacuité de notre civilisation occidentale mue par la richesse, le pouvoir et la célébrité. Elle filme le mal de vivre de ces grands enfants comme Stephen Dorff (ou précédemment Marie-Antoinette), maternés par leur entourage professionnel, à qui pouvoir, richesse et célébrité ont tout donné (et sur ce sujet, on ne doute pas que la fille Coppola en connait un rayon), mais qui ne peuvent pas grandir et préfèrent continuer à jouer à Guitar Hero avec leurs copains d’enfance, incapables d’assumer une relation sociale, amoureuse et encore moins paternelle.
    Evidemment, ça ne plaît pas à tout le monde. À peu de gens en fait et c’est bien dommage que Sofia Coppola rate ainsi un public qui lui était acquis depuis Lots in Translation et Marie-Antoinette.
    Bon, et puis moi j’ai bien aimé la fin. En plus !

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