Révélé en 2009 par le festival de Berlin à la faveur de l’Ours d’argent reçu pour « A propos d’Elly », Asghar Farhadi réalisait trois ans auparavant « La Fête du feu », un film aux thématiques proches.
Rouhi, jeune femme sur le point de se marier, est employée comme femme de ménage chez Morteza et Mojdeh, un couple en crise. L’appartement qu’elle découvre est en complet désordre. Une vitre est même brisée. On dirait un champ de bataille et d’ailleurs, les pétards que les enfants font exploser tout au long de la journée s’apparentent à des échanges de tirs dans une guerre de tranchée. Rouhi va être le tampon entre les deux époux…
Comme dans A propos d’Elly, c’est un vaste univers de mensonges que le réalisateur dessine. Le noeud central de l’intrigue, ce sont ces soupçons que Mojdeh nourrit à l’égard de son mari. Mais Rouhi ne sera pas la dernière à transformer la vérité selon sa convenance. Il est donc question, presque exclusivement, de fidélité. Rouhi est encore présumée naïve et confiante en l’avenir de son couple, mais elle sera mise en garde. Les autres couples autour d’elle, le temps de cette journée (là encore et comme dans A propos d’Elly, l’unité de lieu ne dépasse pas 24h) sont corrompus et n’ont guère d’avenir. La conclusion du film ne trompe personne. Si Rouhi à tout à construire et a donc le droit d’être optimiste, on ne se fait guère d’illusion pour Mojdeh et Morteza.
La vision du couple proposée par Farhadi n’est donc guère réjouissante, mais cela permet au cinéaste de confronter ses personnages masculins et féminins avec un rapport de force qui penche nettement en faveur des femmes. Les hommes sont dans ce film tous misérables et pathétiques et si les femmes ont souffert et/ou souffrent encore, c’est parce qu’elles sont les victimes de la couardise des hommes. C’est là une autre similitude avec A propos d’Elly : hommes et femmes sont considérés à même hauteur, avec une préférence quand même affichée pour les femmes, elles qui sont garantes de tout équilibre. C’est en tout cas le point de vue clairement défendu par le cinéaste dans ses films, ce qui est quand même audacieux dans le cadre d’un pays autant machiste que l’Iran.
La scène d’ouverture – une chute de moto plutôt maladroitement montée mais qui n’augure pas de la qualité de la mise en scène par ailleurs – fait déjà sens. Le tchador est malmené dans La Fête du feu. On ne s’en préoccupe guère, il peut être oublié et personne ne s’en offusque. Les valeurs traditionnelles, le mariage au delà du seul tchador, sont mises à mal. C’est tout l’intérêt du film, qui ne se résume pas à la crise d’un couple, mais montre d’une certaine manière les tensions contenues dans la société iranienne. A mesure que le film se déroule et que la crise tente de se régler, l’ordre réapparait au sein de l’appartement. Ce n’est qu’une illusion, et c’est le dernier mensonge du film. Tout n’est qu’apparence mais on l’a dit, personne n’est dupe.
Benoît Thevenin
La Fête du feu – Note pour ce film :
Sortie française le 26 décembre 2007