Décès de Maria Schneider (1952-2011)

Repérée à 19 ans par Bertolucci pour figurer au côté de Marlon Brando dans Le Dernier Tango à Paris, Maria Schneider, décédée jeudi à l’âge de 58 ans, a passé le reste de sa vie à tourner la page.

Née en 1952 d’une mère mannequin d’origine roumaine dont elle a pris le patronyme et de l’acteur Daniel Gélin, qui n’a fait que la croiser sans jamais la reconnaître, Maria Schneider est décédée à Paris « des suites d’une longue maladie », selon la formule choisie par la famille.

Le visage encadré de boucles folles et le corps, célèbre, noyé dans des pulls trop grands et des jeans rapiécés, la jeune fille à la voix rauque qu’elle était en 1972 entre les mains de Brando et sous l’oeil de Bernardo Bertolucci s’est retrouvée figée en icône de la révolution sexuelle. Et prisonnière, pour longtemps, du scandale qu’elle avait déclenché.

Au point d’en faire oublier son passage de garçonne dans Profession Reporter, de Michelangelo Antonioni, avec Jack Nicholson, et ses traversées cinématographiques en compagnie de Jacques Rivette (Merry Go-Round), Luigi Comencini (L’imposteur), René Clément (La Baby-sitter), Werner Schroeter, Philippe Garrel, Daniel Duval (La Dérobade), Enki Bilal ou Josiane Balasko, la dernière à l’avoir appelée sur un plateau, pour Cliente, en 2009.

Elle se cherche, peint un peu, vient de passer deux ans chez Brigitte Bardot qui l’hébergeait quand elle passe les essais pour « Le Tango » : c’est en voyant une photo d’elle avec Dominique Sanda que Bertolucci eut l’idée de la confronter à Brando qui sort tout juste du Parrain.

C’est ainsi que Maria fait ses débuts au cinéma, dans le rôle de Jeanne, une jeune fille qui vit une passion torride de quelques jours avec un veuf américain de passage à Paris, dans un appartement, pont de Bir-Hakeim.

Un huis-clos cru et nu avec vue sur la Seine et un troisième protagoniste, une tablette de beurre, qui assura la réputation sulfureuse du film.

Selon elle, ni Brando ni le metteur en scène ne l’avait prévenue de l’usage du beurre – destiné à faciliter une scène de sodomie qui l’a traumatisée.

« J’étais jeune, innocente, je ne comprenais pas ce que je faisais. Aujourd’hui, je refuserais. Tout ce tapage autour de moi m’a déboussolée », confiait-elle dix ans plus tard, avouant alors avoir « perdu sept ans de (sa) vie » entre cocaïne, héroïne et dégoût de soi.

Apprenant son décès jeudi, Bertolucci a affirmé qu’il aurait « voulu (lui) demander pardon ». « Sa mort est arrivée trop tôt. Avant que je puisse l’embrasser tendrement, lui dire que je me sentais liée à elle comme au premier jour, et, au moins pour une fois, lui demander pardon », a-t-il déclaré à l’agence italienne Ansa.

« Maria m’accusait d’avoir volé sa jeunesse et aujourd’hui seulement je me demande si ce n’était pas en partie vrai. En réalité, elle était trop jeune pour pouvoir soutenir l’impact qu’a eu l’imprévisible et brutal succès du film », a-t-il reconnu.

En 2001, alors qu’un hommage lui était rendu par le Festival du film de femmes, à Créteil, Maria Schneider, féministe engagée, confiait au quotidien Libération avoir revu Le Tango deux ans auparavant et l’avoir trouvé daté.

Elle assurait aussi, ultime règlement de comptes, que « Marlon Brando avait réalisé une large partie de la mise en scène, dictant à un Bertolucci soumis ce qu’il devait faire ».

Saluant sa mémoire, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand a affirmé qu’elle « restera une image singulièrement forte de la femme d’aujourd’hui ».

AFP

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