La BM du Seigneur de Jean-Charles Hue

Plasticien et cinéaste, Jean-Charles explore dans chacun de ses films jusqu’alors la frontière entre fiction et documentaire.  Son court-métrage Ya plus d’os sur le monde gitan (2009) annonce La BM du Seigneur, son second long-métrage après Tijuana, Carne Viva en 2009 également.

Jean-Michel Hue, d’origine Gitane, pose avec La BM du Seigneur son regard sur la communauté yéniche près de Beauvais, c’est à dire le groupe gitan avec qui il a vécu pendant près d’une quinzaine d’année. Le film est singulier, entre ethnographie et fiction pure, entre religion et violence, autant de portes d’entrées dans le film qui sont aussi celles de Tijuana Carne Viva. La BM ne manque pas d’interpeller, de provoquer à la fois une sorte attraction et d’empathie pour ces gens et en même temps un simple dégoût.

Dans une France actuelle dont le gouvernement stigmatise les roms, ou l’ensemble des communautés gitanes sont pointées du doigt plus que d’accoutumé, La BM du Seigneur ne manquera pas de renforcer chacun dans ses préjugés. Peut-être du moins. Jean-Charles Hue à tourné son film en deux temps : une part fictionnelle en trois semaines, et une part documentaire en cinq semaines. Le clan Dorkel, qui est la famille de Jean-Charles Hue, apparaît là à nu, tel qu’ils sont dans la vie. Le cinéaste ne cherche pas à mentir ou tricher. Au contraire, le film est l’affirmation d’une identité singulière.

Le sens des valeurs se mélange avec la délinquance en tant que mode de vie. La BM du Seigneur est à fleur de peau, sous tension permanente. Le règlement de compte n’est jamais lointain, les bagarres sont organisées et se déroulent sous les regards indifférenciés des aînés comme des plus jeunes, des femmes comme des hommes. La religion est prégnante jusqu’à ce que le mystique surgisse véritablement etc.

La BM du Seigneur vaut pour sa singularité, à condition de faire abstraction de l’accent picard et plus encore de l’abominable langage ponctué de « ma couille », de « gadjo » ou de « mon copain » toutes les demi phrases. C’est un peu en cela que le film peu inspirer du dégoût, car l’humanité de ces gens, si elle est indéniable évidemment, elle n’est en revanche pas en phase avec celle des personnes dites intégrées à la société. La marginalité des yéniches peut provoquer divers sentiments, et notamment nourrir une appréhension qui, à en juger par le climat ambiant en France en 2011, l’odeur nauséabonde des débats à propos des roms, est déjà bien installée dans les mentalités.

Mais La BM du Seigneur induit un tout autre genre de réaction primaire. La mise en scène sophistiquée de Jean-Michel Hue élève ses personnes au rang de personnages et de quasi héros. La mise en scène capte quelque chose d’impérial qui n’est pas sans fond. La BM du Seigneur agace donc, mais questionne aussi beaucoup et ne laissera personne indifférent.

Benoît Thevenin


La BM du Seigneur – Note pour ce film : ***

Sortie française le 26 janvier 2011


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