Les premiers films de Park Chan-wook n’auguraient pas vraiment de la carrière qu’on lui connait maintenant. Ses premiers films sont largement oubliables. En revanche, lorsqu’il réalise JSA d’après le roman de Park Sang-yun, Park Chan-wook signe comme son acte de naissance auprès des cinéphiles du monde entier. JSA demeure peut-être même à ce jour son meilleur film.
La Joint Security Area est la zone démilitarisée séparant les deux Corée depuis 1953 et l’armistice dans la guerre entre Nord et Sud. La zone va être le cadre stricte d’une intrigue policière assez peu banale. Deux enquêteurs de l’ONU cherchent à élucider les mystères d’une nuit meurtrière pendant laquelle deux soldats nord-coréens sont tués dans une fusillade par un homologue du sud, lequel dit rapidement avoir été leur prisonnier.
Thriller politique à multiple facette, Joint Security Area est d’abord un film qui permet de prendre une certaine mesure de l’état des relations entre les deux Corée. Le film a pu éviter la censure à la faveur d’un climat détendu entre les deux camp sur la fin des années 90 (avec comme point d’orgue la rencontre historique entre Kim Jong-il et Kim Dae-jung en juin 2000), mais c’est un sujet pour le moins délicat que Park Chan-wook aborde là.
Pour résumer grossièrement, les relations entre les deux Corée ne tiennent qu’à un fil. Toute l’intrigue du film est d’ailleurs comme prise en otage par la complexité du rapport diplomatique entre les deux Corée. L’affaire criminelle laisse en effet place à une autre intrigue, racontée en flash-back à partir des témoignages des survivants de la fusillade. Ce qui est révélé, c’est une étrange histoire d’amitié entre deux jeunes appelés sud coréens qui effectuent leur service militaire au sein de la zone démilitarisée, et deux soldats nord coréens qui n’ont pas du tout été élevé au même grain. La vérité de la nuit du drame devient alors trop sensible pour être révélée vraiment.
A partir de cette étrange histoire d’amitié, de la fascination mutuelle qui anime chacun, germe l’idée d’une différence qui n’est plus si flagrante entre les deux parties. On se demande alors ce qui peut expliquer la fusillade. Park Chan-wook maintiendra habilement le mystère, à partir d’un scénario à tiroirs, riches de renversements de situations, qui reste toujours cohérent et ne perd jamais le spectateur. Au contraire, le suspens fonctionne à plein.
Le film est aussi servit par sa mise en scène, épurée de toute l’esbroufe qui habillera souvent les films suivants de Park Chan-wook. Le film est réalisé apparemment très classiquement, mais est finalement plus sophistiqué qu’il n’en à l’air. Saluons en particulier le travail de montage.
Par ailleurs, notons que Song Kang-ho – révélé par Hong Sang-soo dans Le Jour ou le cochon est tombé dans le puits – apparaît dans JSA dans le rôle du Sergent nord coréen Oh. Il joue ainsi là pour la première fois sous la direction de Park Chan-wook, devenu depuis un de ses réalisateurs fétiches (Sympathy for Mr. Vengeance, Lady Vengeance, Thirst).
Benoît Thevenin