Avant l’aube de Raphaël Jacoulot (2011)

Le cinéma français est critiqué de toute part, on vante sa médiocrité, on s’auto-flagelle en permanence alors que la plupart des signaux sont au vert. Au sommet du box office, le cinéma français caracole, et par forcément qu’avec de mauvaises comédies ou des nanars d’action ; des films tricolores sont récompensés dans les festivals etc. D’une manière générale, la mauvaise qualité du cinéma français est très largement exagérée. Elle l’est d’autant plus qu’on oublie trop facilement toute cette jeune garde de cinéastes qui pour certains dépassent déjà le stade de la promesse, ces nouveaux cinéastes qui certes ne sont pas à l’avant-garde comme la génération Truffaut, mais qui offrent de très bons films, parfois de grands films, ou qui en tout cas savent raconter des histoires, ont une sensibilité propre, un style etc. La diversité et la qualité du cinéma français fait même plaisir à constater, pour peu que l’on s’y intéresse d’assez près. L’ennui, c’est le fossé grandissant entre les têtes de gondoles du box office, et la somme de petits films fragiles qui ne sont vus que par une poignée de spectateurs, qui bénéficient d’un succès d’estime très confiné et qui ne garantie pas la pérennité des parcours de leurs jeunes auteurs.

Le réalisateur bisontin Raphaël Jacoulot, 40 ans et ex-élève de la FEMIS, creuse son sillon en toute discrétion et pourtant il fait partie de ces cinéastes dont on ne parle pas, ou trop peu, et qui mérite la découverte. Avant l’aube, son second long-métrage après la belle découverte que constituait déjà Barrage en 2006, est sorti en salle le 2 mars  sur une centaine d’écrans. Résultat : 60 000 entrées en une semaine. Seulement 60 000 entrées.

C’est assez désespérant car le film est bon, très bon même, et mérite le grand écran (par sa mise en scène ample, ses décors enneigés et spectaculaires) contrairement à une majorité de métrages dans nos salles. Avant l’aube est un thriller bien mené, passionnant, réalisé avec rigueur et un vrai sens du cinéma. Tous les ingrédients sont réunit pour un excellent film de cinéma, un  film de genre réussi qui n’a rien à envier aux meilleurs Chabrol.
Raphaël Jacoulot se place là en héritier, peut-être malgré lui mais quand même. C’est dans le rapport entre les personnages, dans la confrontation sourde et intense entre le bourgeois propriétaire d’un luxueux hôtel en haute montagne (Jean-Pierre Bacri) et Frédéric, le jeune garçon au parcours difficile et qui humblement tente de se construire, de se trouver une place dans la société (Vincent Rottiers).

La qualité du film se trouve d’abord là, dans les confrontations entre les personnages. Mais pas seulement entre ceux joués par Bacri et Rottiers. Les personnages secondaires sont finement décrits, et tout ce joue aussi dans les rapports ambigus qu’entretien Jacques (Bacri) avec son fils Arnaud (Xavier Robic), dans la rivalité filiale entre Arnaud et Frédéric, dans la rivalité plus mesquine encore entre Frédéric et Olivier (Pierre-Félix Gravière) son collègue jaloux, dans les relations de couples et enfin dans le rapport faussement détendu à la police (Sylvie Testud).

Raphaël Jacoulot tisse à merveille son intrigue, dessine une galerie de portraits ou chaque personnage à sa place et son importance. Personne n’est laissé à l’écart. L’attention est centrée sur le rapport délicat et machiavélique entre Jacques et Fred, mais cette relation ambivalente déteint subtilement sur le reste, dégrade peu à peu les interactions autour, développent les questionnements, les doutes et les paranos. Chabrol n’aurait vraiment pas renié ce film sacrément aboutit, ou il est question de bourgeoisie de province, de lutte des classes, d’un secret lourd, d’hypocrisie, de cynisme et de lâcheté.

Avant l’aube est surtout un excellent polar, intriguant à tout le moins et mené tout du long brillament et sans aucune fausse note. Autant dire qu’il est vraiment dommage de passer à côté.

Benoît Thevenin


Avant l’aube – Note pour ce film : ****

Sortie française le 2 mars 2011


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2 commentaires sur “Avant l’aube de Raphaël Jacoulot (2011)”

  1. 60 000 entrées première semaine c’est franchement pas mal. Ca fait une moyenne par copie plutôt bonne. Et le film a eu une bonne presse. Il ne faut pas oublier que certains films peinent sur toute leur carrière à dépasser les 20 000 entrées.

    Tu m’as donné envie de le voir en tout cas. Ca fait plaisir de te lire à nouveau.

  2. Merci :)

    la plupart ne dépasse pas les 20 000, mais celui-ci ne dépassera pas les 200 000, et c’est quand même pas terrible comme score, ce que je regrette donc. On reste dans un public de niche, et la bonne presse ça ne consolide que son succès d’estime. Dommage que le public suive si peu. Mais si je t’ai convaincu d’y aller, c’est déjà ça. J’espère que tu aimeras autant que moi :)

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