Roman de gare de Claude Lelouch (2008)

Cannes 2008 / Hors compétition

Il y a longtemps que l’on avait finit par ne plus rien attendre de Claude Lelouch. Enthousiaste comme à la première heure, le cinéaste ne s’est pas attardé sur l’échec monumental des Parisiens, ni même sur le fiasco intégral du Genre humain. Son retour avec Roman de gare est une double surprise. Double car autant inattendue que, finalement, agréable. On a retrouvé le Lelouch que l’on avait aimé et, ça fait plaisir.

Hughette (Audrey Dana) est abandonnée par son fiancé sur une aire d’autoroute. Louis (Dominique Pinon), qui a assisté à la scène, se propose pour l’aider. Quelque part à Paris, un prof de lettre vient de quitter élèves, femme et enfants ; un tueur en série s’est évadé de la prison de la Santé, une romancière à succès s’exhibe dans une émission télé et Gilbert Bécaud récite ses plus grands succès à la radio…

Le titre le suggère, l’intrigue est celle d’un roman de gare. Une histoire policière se greffe autour de tous les personnages, liés d’une curieuse façon par un final improbable. Lelouch l’assume entièrement et c’est cela qui fait la finesse de ce film : on se laisse aller, happer par les mystères intelligemment semés au gré de la route empruntée par les personnages. Lelouch, qui n’a pas son pareil pour mêler les destins, nous surprend sans cesse, nous emmène là ou on ne s’attend pas à aller, sans tricher mais avec beaucoup d’habileté. Louis est-il le tueur en série que la France entière recherche ? Hughette sera t’elle sa prochaine victime ? Ou est-il le nègre de la Judith Ralitzer (Fanny Ardant), cette romancière populaire reconnue pour ses passionnants polars ?

Dans une séquence introductive au film, Judith Ralitzer est foudroyée par la violence de la critique que lui adresse Serge Moati, présentateur d’une émission littéraire. Lelouch, qui a toujours été particulièrement doué pour l’autocritique, qui ne s’est jamais privé de la glisser directement dans ses films, établit le dialogue avec le public. Sa sincérité interpelle. Lelouch fait de Judith Ralitzer son alter ego à l’écran. Le personnage est soupçonné de recourir à un nègre pour l’écriture de ses romans. Lelouch a lui réalisé Roman de gare dans l’anonymat le plus total, travaillant d’abord sous couvert du pseudonyme d’Hervé Picard, à l’instar de Romain Gary publiant La Vie devant soi sous le pseudonyme d’Emile Ajar, et remportant le Goncourt une seconde fois malgré le règlement du prix…

Comme son personnage, Lelouch pratique ainsi l’art de l’ubiquité… En tout cas, le cinéaste a ainsi pu travailler tranquillement, avec une pression moindre. Il nous livre un film formidable, simple et plaisant, chose que l’on avait cessé de certifier depuis sa très belle adaptation des Misérables avec Belmondo… Lelouch n’est pas mort, vive Lelouch !

Benoît Thevenin


Roman de gare – ma note pour ce film :
Sortie française le 27 juin 2007

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