Depuis toujours on le dit, Cédric Klapisch est doué pour capter l’air du temps. A priori personne n’en doute dès lors que l’on pense au Péril jeune ou à l’Auberge espagnole, mais c’est tout autant vrai de Paris, qui captait quelque chose de la mélancolie ambiante dans la France du fin de règne de Jacques Chirac. Et avec Ma part du gâteau, on peut aussi dire qu’il prend la température de la Sarkozie.
On peut estimer les ficelles grosses, sinon grossière. Ma part du gâteau se résumerait à la rencontre entre un salaud de financier et la gentille ouvrière exploitée. On ne serait alors pas loin de la fable : le trader et la femme de ménage.
Ma Part du gâteau prend d’abord pour cadre Dunkerque et une usine sur le point d’être délocalisée et qui laisse sur la touche tous ses salariés. La référence au destin de l’usine Metaleurop à Noyelles-Godaud semble évidente.
Dans le film, l’usine ferme sous la pression des marchés financiers, victime de spéculateurs cyniques et sans conscience qui n’ont qu’une religion, l’argent. Gilles Lellouche incarne à merveille Stéphane, le pire d’entre eux – ou le meilleur selon le point de vue. Il est un salaud absolu et un égoïste forcené. Tant pis si le portrait verse dans la caricature.
Le personnage de France (Karin Viard) est bien sûr à l’opposé. Elle est une mère humble, victime de la liquidation de l’entreprise qui l’a employée pendant vingt ans. Elle est épuisée par le combat social et a tenté de mettre fin à ses jours. Malgré tout, elle est courageuse, se reprend vite en main, et choisit de s’exiler à Paris pour travailler comme femme de ménage. Entre les deux personnages, qui se retrouvent donc vite à cohabiter littéralement, difficile de faire plus grand écart.
Cependant, le rapport fonctionne. Cédric Klaspisch se révèle quand même habile pour mettre en perspective les inégalités. Ce qui cloche, c’est ces parenthèses comiques qui faussent la donne, qui ne sont pas de très bon goût, qui pénalisent les personnages et en particulier celui de France : l’accent serbe lors de la scène de formation, la séquence « Pretty woman » dans le supermarché, France qui chante à tue tête Les dix commandements , le dîner d’affaire à Londres etc. Ca a plutôt tendance à rajouter une couche franchement pas subtile pour le coup dans le portrait de la fameuse ménagère simple, pauvre et travailleuse que tout le monde convoite et exploite. La scène des remords de Stéphane, on peut aussi s’en passer…
Klapisch choisit d’alterner entre scène comique et séquences un peu plus grave alors que le film est bien plus efficace quand il verse dans le cynisme pure. Il y a un équilibre a trouver entre toutes ces facettes, qui n’est pas simple a établir, qui est même casse-gueule. Heureusement, l’interaction et la complicité qui se développe entre France et Stéphane fonctionne plutôt bien.
L’illustration des rapports de classes, largement caricaturale, et l’apparente légèreté du scénario tel qu’il se décline, ne nous laisse guère d’espoir d’une direction autre que celle du conte de fée. Klapisch fonce effectivement dedans mais il ne s’arrête pas là. La fin du film surprend, par son changement de ton, sa brutalité, son retour sur terre. Il n’y a soudain plus de place pour la comédie, l’ironie ou le cynisme. Klapisch impose une gravité étonnante et quelque peu déconcertante, d’autant que le générique final interrompt une séquence en pleine action, nous laisse en suspend. On appelle ça une fin ouverte et on imagine donc ce que l’on veut.
La qualité de cette conclusion, c’est qu’elle permet à Klapisch d’éviter de tomber dans la morale facile. On arrive au-delà et les nuances sont multiples qui légitiment diverses interprétations.
Ma Part du gâteau n’est peut-être pas le meilleur film de Klaspisch, mais c’est un film cohérent, au moins dans sa filmographie, et qui reflète plutôt bien – une fois encore – un certain état d’esprit dans la société française actuelle. Klapsich reste bon pour ça, même si ça s’inscrit dans le cadre d’un cinéma populaire et un peu forcé, qui prend le risque de la démagogie la plus complète et qui en fait s’en sort vraiment pas trop mal…
Benoît Thevenin
Sortie française le 16 mars 2011
J’étais super curieux de savoir si ce film valait le coup, je veux dire par là que pour le coup, je n’ai pas besoin d’aller au cinéma pour entendre parler de délocalisations. Tu dis que le film reste bon, mais pour une personne peu tentée, le recommanderais-tu ?
C’est du cinéma populaire, avec sa part de personnages un peu caricaturaux, mais ça reste agréable à voir, bien joué, et, pour ce qui est des vingts dernières minutes, assez bluffant. Il faut pas s’attendre à un grand film mais moi je le trouve quand même plutôt bon. Après.. je ne déconseille jamais d’aller voir un film. Si tu as du temps pour, alors oui vas y, je ne pense pas qu’il y ait trop de risques d’être déçu si les attentes ne sont pas trop fortes.
Je pense que « Paris », son dernier film avant celui-là, est un bon baromètre. Si tu l’as vu et que tu as accroché, Ma part du gâteau devrait te convenir aussi. Sinon…
Ok, alors je regarde « Paris » ce WE
Merci