Il faut bien finir par admettre qu’il n’ y a guère de réalisateurs plus passionnant que Lars Von Trier. Nous ne sommes pas forcé de nous extasier à chaque bouffée de délire du cinéaste Danois. Des Idiots à Dancer in the Dark, on est même en droit de discuter de la force créatrice de son cinéma. Quoiqu’il en soit, il inspire toujours questionnements et débats. On ne reste jamais indifférents devant un tel étalage d’anti-conformisme. Lars Von trier ne rentre dans aucun moule. Il est provocateur par nature. On l’accuse de mégalomanie, de sadisme, d’obscénité. Tout juste bouscule t’il les mœurs en ne se pliant pas à la norme. Lars Von Trier est avant tout un chercheur, un expérimentateur, au service d’une obsession, certes, « L’ennemi, c’est l’histoire (…) Le défi ultime du futur est de voir sans regarder : défocaliser ! Dans un monde où les médias se prosternent devant l’autel de la netteté, et ce faisant vident la vie de toute vie, le DEFOCALISATEUR sera le communicateur de notre époque – ni plus, ni moins ! 5 Obstructions débarque quelques mois après Dogville, et confirme cette volonté farouche d’oser ce que personne d’autre n’osera faire. Lars Von Trier déclare avoir vu au moins trente fois le premier court-métrage professionnel de Jorgen Leth, The Perfect Human. Près de 35 ans plus tard, il défie Leth de tourner 5 remakes de ce film à partir de règles castratrices. 5 Obstructions est le collage de ces cinq films, entrecoupés des entretiens entre Lars Von Trier et Jorgen Leth. Ce qui est amusant dans cet exercice de style à la Queneau, c’est de se rendre compte du génie créatif de Jorgen Leth. Voir comment à chaque fois il arrive à contourner, détourner, les règles à son profit, sans vendre son arbre au diable, sans déconstruire vraiment le sujet initial. On peut ainsi lire en filigrane cette capacité naturel qu’on les grands artistes à transcender les règles, excéder les normes qu’on leurs impose. L’exemple, pour le cinéma, du fameux Code Hayes est à cet égard plutôt éloquent, devenant source d’une inventivité rare et précieuse chez les cinéastes hollywoodiens. Le but de Lars Von Trier n’est pas d’arriver à ce constat mais il le met en lumière. La dernière obstruction est un travaille de Lars Von Trier lui-même. Il transforme ainsi les quatre travaux initiaux de Leth en une sorte de manifeste de ce que vers quoi doit tendre le cinéma de Lars Von Trier. Il semble ainsi définir le second chapitre de Dogma95 avec toujours cette obsession des idées, du minimalisme, de l’anti-esthétisme et du créateur invisible. Il faut reconnaître cette aptitude qu’a Lars Von Trier à se renouveler sans cesse. Il est une source d’inspiration phénoménale. Son cinéma se construit comme une bible alternative. Lars von trier définit un autre cinéma, à l’envers de toute cette tradition à la con d’un cinéma mercantile et aseptisé. Il est un cinéaste du défi et en cela, il bouscule, il dérange, mais il est surtout fondamental.
Benoît Thevenin