Source code de Duncan Jones (2011)

Pour les spectateurs qui ne vont qu’au cinéma, qui ne regardent pas de films chez eux, Duncan Jones est peut-être un inconnu. Quel scandale qu’un film comme Moon, son premier long-métrage qui mérite tant le grand écran, ne soit jamais parvenu dans les salles françaises ! Moon n’est pas un grand film mais il est un film qui marque, par son style, son ambiance, sa manière de mêler des références imposantes (Solaris et 2001), et grâce à son acteur aussi, Sam Rockwell, seul dans un espace clos pendant presque tout le film et qui impressionne.

Duncan Jones n’a pas renouvelé la SF avec Moon mais il a livré un très bon film. On le retrouve deux ans plus tard avec Source Code, thriller SF malin qui confirme les espoirs placés en son premier film.

L’esthétique est moins aboutie. Etrangement, Source Code semble le genre de film qu’on adorera partager avec ses potes un samedi soir, le genre de film méconnu mais culte. Il devrait en tout cas se tailler cette réputation là. Le pitch est intriguant, l’histoire est habilement menée, et la conclusion, qu’on a faillit croire décevante avant la dernière image, est juste celle qu’il fallait pour rester sur l’impression d’un film non seulement malin mais aussi brillant.

Dans Source Code, on retrouve un héros enfermé dans une cabine, un personnage isolé dialoguant avec un ordinateur. Il y a des points de contact avec Moon, incontestablement ; mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel est plutôt dans le traitement habile  d’une histoire simple mais casse-gueule. Colter Stevens (Jack Gyllehaal) est projeté dans le temps, à l’intérieur d’une séquence qui ne dure pas plus de 8 minutes. Il va être amené à explorer et réexplorer cette même séquence maintes fois et cela suppose une part de défi posé au réalisateur confronté de fait à la répétition.

La première idée est de placer le héros à égalité avec le spectateur. Nous somme projeté brutalement dans une intrigue de la même manière que le héros se heurte à des repères qui ne sont pas les siens. Qui est cette femme qui s’adresse à lui et le reconnait ? Pourquoi est-il dans ce train ? Les informations lui parviennent en même temps que le spectateur les reçoit. Le mystère est préservé car si on prend conscience d’un enjeu qui déborde du cadre de la mission, le seul point d’horizon, la seule finalité envisageable, est la résolution de l’enquête confiée au héros. Les possibilités d’investigations offertes à Colter Stevens sont limitées, en temps et en ressources, mais nombreuses sont les portes ouvertes vers de nouvelles pistes. Chaque personnage assis dans le train offre une perspective nouvelle, un regard parallèle qui enrichit la vision d’origine, permet une compréhension progressive et de nouveaux enjeux. La situation dans le train se répète à l’identique et perpétuellement. La seule variation réside dans la conscience de Colter Stevens, son éveil, son adaptation, qui induit chaque évolution.

Le film passe ainsi différents caps, d’abord paranoïaque, puis sentimental, mélodramatique. Le suspens s’installe puis dérive vers un enjeu moral et jusqu’à un sous-texte politique. Le spectateur est baladé autant de fois que Colter Stevens est projeté dans le passé et l’intrigue ne cesse de se renouveler et d’emprunter de nouvelles voies. C’est un film-caméléon, en perpétuel mouvement, mystérieux, incertain et au final bluffant. Rien au début du film ne permet d’imaginer ce que sera la fin et ce qu’elle ouvre comme possibilités. On craint un temps une conclusion bien pensante mais la séquence n’est que le marche-pied vers ce qui est la véritable finalité du film, le développement de quelque chose d’inconcevable à l’origine.

Deux essais et autant de bonnes surprises, Duncan Jones commence à s’imposer comme un cinéaste particulièrement intéressant.

Benoît Thevenin

Source cod e ****

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Un commentaire sur “Source code de Duncan Jones (2011)”

  1. foxart dit :

    Je ne lis pas parce que je ne veux pas me castrer pour mon propre papier mais je suis ravi de voir tes 4 étoiles et de trouver enfin quelqu’un qui ne boude pas son plaisir. A l’instar de ta dernière phrase je pense vraiment qu’un authentique auteur est né.

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