Sleeping Beauty de Julia Leigh (2011)

Connue d’abord comme écrivain, Julia Leigh est lancée directement dans la cour des grands, ou dans la fosse aux lions c’est selon, avec son premier film. Sleeping Beauty se retrouve en compétition à Cannes, fort du soutien de Jane Campion, seule cinéaste femme à avoir obtenu la Palme d’Or jusqu’à preuve du contraire, et australienne à l’instar de Julia Leigh.
Sa place en compétition, Julia Leigh ne l’usurpe pas. Sleeping Beauty est un film qui laissera difficilement insensible tant il concentre de qualité. Si l’histoire manque de profondeur et de sens, le film est quand même brillant par bien des aspects : la composition des cadres, la photographie, l’originalité de ce portrait d’une jeune femme pas tout à fait comme les autres etc.

Avec son titre qui convoque Charles Perrault, Sleeping Beauty se présente effectivement comme un conte, par lequel Julia Leigh opère à un jeu permanent sur les contrastes, le blanc et le noir, l’innocence contre la corruption etc. Lucy (Emily Browning) est une jeune femme au corps d’enfant, elle marche la tête haute, elle n’a pas froid aux yeux, et se laisse embarquer dans des histoires troubles juste par défi ou plutôt pour contrer l’ennui qui l’envahit.

Le film n’est pas sans rappeler le parcours de Bill Harford dans Eyes Wide Shut, même si la comparaison est sans doute trop poussée, Julia Leigh ne se plaçant quand même pas à hauteur de Stanley Kubrick. Ne serait-ce parce que Sleeping Beauty n’a pas vraiment d’ambition morale ou philosophique. Mais les similitudes sont là : dans le récit surtout, car Lucy comme Bill sont donc rongés par un certain ennui, attirés par des univers érotiques sophistiqués et troublant, mis en scène de façon stricte, chorégraphiés précisément même, et qui mêlent de vieux notables lubriques dans des endroits secrets et à l’écart de la ville.

Sleeping Beauty fascine par son ambiance et par le mystère qu’il dégage. Mais c’est un film très sophistiqué, qui se déroule telle une partition parfaitement exécutée. La photo en particulier est remarquable, qui dessine de façon exquise le corps fragile de la belle Emily Browning. Elle est d’une pureté éclatante et absolument fascinante. Elle est comme une poupée de porcelaine, fragile et que personne ne veut abîmer.

Pour autant, ce corps n’est qu’une enveloppe. Lucy se laisse facilement tenter par tous les plaisirs qu’on lui offre et quelque part elle se consume là de l’intérieur. Le récit révèle également quelques failles intimes, une relation tordue notamment, qui prouve que ce personnage n’est pas moralement aussi serein que ce que son attitude physique laisse à croire.

Sleeping Beauty est un film vraiment remarquable, au moins parce qu’on a pas tant l’habitude de voir des premiers films concentrant autant de qualités et de maîtrise. Le film révèle également un peu plus Emily Browning, déjà fascinante dans Sucker Punch de Zach Snyder, film à l’univers radicalement opposé à celui de la belle endormie. Ils vont être nombreux les garçons à succomber à son charme, car c’est exactement ça … elle n’est pas la fille la plus belle du monde, mais son charme en revanche n’a pas beaucoup d’équivalent.

Benoît Thevenin

Sleeping Beauty ****

Sortie française le 16 novembre 2011

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