Le Terminal (The Terminal) de Steven Spielberg (2004)

Viktor Navorski (Tom Hanks) débarque à New York en provenance de la Cracosie – un Etat imaginaire inspiré des pays issus de l’éclatement de l’ex-bloc soviétique. Au moment de s’enregistrer sur le territoire américain, il se retrouve bloqué. La Cracosie vient d’être le théâtre d’un coup d’état. La crise est telle que Viktor se retrouve citoyen d’un pays qui officiellement n’existe plus. Son passeport n’étant plus reconnu, il ne peut pas entrer sur le territoire US et doit se résigner à rester coincé dans le périmètre de l’aéroport.

Réalisé en 2004 par Steven Spielberg, Le Terminal est inspiré par l’histoire invraisemblable de Merhan Karimi Nasseri, un réfugié iranien qui a vécu pendant 18 ans à l’intérieur de l’aéroport de Roissy- Charles de Gaulle. Steven Spielberg en a tiré une comédie à valeur de fable qui illustre le contexte d’un pays, les USA, qui s’est fortement replié sur lui même à la suite des attentats du 11 septembre 2001.

Viktor Navorski ne parlant presque pas un mot d’anglais, le principal ressort comique utilisé dans le film réside dans l’incommunicabilité entre Viktor et Franck Dixon, le directeur de la sécurité de l’aéroport (Stanley Tucci). Dixon représente à lui tout seul la rigidité des autorités américaines, repliées sur leurs préjugés et des principes stricts. La direction ne montre aucune souplesse, aucune compréhension, aucune humanité mais beaucoup d’hypocrisie qui se heurtent radicalement au caractère de Viktor. Celui-ci est un homme simple, honnête, naïf et ouvert sur les autres. En clair, la situation devient à ce point abracadabrantesque que la direction de l’aéroport s’attend à ce que Viktor profite des failles de sécurité de l’aéroport comme de nombreux migrants le font pour entrer sur le territoire. Puisqu’il n’agit pas en ce sens, les autorités en sont réduit à tenter de favoriser sa fuite, chemin qu’il n’empruntera jamais car Viktor est à sa manière lui aussi à cheval sur les principes. Il respecte la loi quoi qu’il en soit.

La partie du film la plus intéressante est celle-ci, qui voit ainsi Viktor s’épuiser inutilement à attendre que son sort évolue, que l’administration lui valide enfin ses papiers avec le bon tampon. Les heures et les jours commençant à défiler, Viktor doit trouver comment assurer ses besoins primaires : se nourrir, dormir, faire sa toilette. Le réfugié malgré lui s’organise en conséquence. L’aéroport devient alors un véritable théâtre ou se déploie à plus petite échelle la société états-unienne dans certains de ses aspects.

Spielberg montre ainsi des Etats-Unis coupés en deux et même tiraillés. D’un côté, les enseignes de Burger King et Starbucks (pour ne citer que ces marques ostensiblement montrées à l’écran) qui représentent les écrans de fumées de la consommation reine. De l’autre, des petites mains qui vivotent en coulisse, à la marge, des personnes provenant de l’immigration et qui sont réléguées loin des regards. Au milieu, on trouve un gigantesque carrefour, c’est à dire le passage de ces milliers de voyageurs internationaux qui chaque jours traversent l’aéroport, pour une arrivée, un départ ou une correspondance.

Viktor rejoint bientôt le rang des parias, évidemment. Il devient soudain le bienfaiteur de chacun. Le film commence à glisser doucement vers le conte de fée. Viktor joue d’abord le rôle d’entremetteur entre la jolie agent des douanes Torres (Zoe Saldana) et Enrique, le modeste agent d’entretien mexicain interprété par Diego Luna. Viktor apporte de la vie et de la joie tout autour de lui, et lorsqu’il rencontre Amelia (Catherine Zeta-Jones), une magnifique hôtesse de l’air en rupture amoureuse, il a la délicatesse de la réconforter. Le spectateur se doute bien lui qu’entre les deux stars du film, les choses ne vont pas en rester là.

Ainsi, toute la deuxième partie du Terminal se réduit à la romance qui nait entre Amelia et Viktor. L’histoire est mignonne et même charmante, mais n’a quand même pas la même saveur que tout ce qui faisait l’intérêt du métrage initialement. L’humour et les quiproquos laissent place à la tendresse de Viktor, et la fable politique se transforme en fable sentimentale. Le film reste très séduisant, même s’il se perd un peu en longueur. (Le Terminal dure tout de même 2h pleine).

Lorsque la quête de Viktor est enfin révélée, c’est à dire la raison de sa venue sur le sol américain, Spielberg en arrive à conclure sur un sentiment nostalgique et une impression de désenchantement. La fin du film renvoie à une autre époque, celle du père de Vitor, mais celle aussi de Frank Abagnale Jr, Leonardo DiCaprio dans le précédent film de Steven Spielberg. Avec Arrête-moi si tu peux, Spielberg ouvre une parenthèse et montre  les Etats-Unis – dans les 60’s – comme un pays ouvert, ou toute les audaces sont possibles, ou la liberté domine. Le cinéaste referme sa parenthèse immédiatement avec Le Terminal, ou les USA sont repliés sur eux même, ou les libertés sont étouffées, ou les audaces sont tués dans l’oeuf au profit d’une attitude de résignation (celle de Viktor à vouloir s’échapper à tout prix). Ainsi, dans les dernières minutes un peu mélo, la nostalgie l’emporte, car Spielberg nous indique qu’il regrette cette période désormais révolue ou l’on pouvait s’affranchir de tout. Malgré sa légèreté manifeste, Le Terminal n’est alors pas le moins sombre des films de Spielberg.

Benoît Thevenin

Le Terminal ****

Sortie française le 15 septembre 2004

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