Cinéaste rare, Andrew Niccol construit patiemment une filmographie autant cohérente que fascinante. Time Out est son quatrième film en près de de quinze ans d’un carrière brillamment entamée avec Gattaca en 1997. Avec ce film, Niccol a redonné ses lettres de noblesses à la SF. Time Out lui permet de revenir pour la première fois au genre, et une nouvelle fois avec succès.
L’idée de scénario est brillante, qui prend à la lettre la fameuse expression « le temps, c’est de l’argent ». Comme dans Gattaca, le point de départ est la génétique. Niccol imagine une société, dans un futur proche, ou l’immortalité est possible. Les Hommes sont programmés génétiquement pour ne plus vieillir après 25 ans – ni le corps, ni l’esprit. Dans ce monde ou chacun peut prétendre à priori à l’immortalité, le temps est devenu ce qu’il y a de plus précieux. Tout se monnaie en minutes, heures ou jours entiers mais personne ne peut contracter de dette. Une horloge est intégrée sur l’avant bras de chacun et qui révèle le capital de temps restant à vivre. Si le compte à rebours atteint zero, c’est la mort subite et personne ne peut y échapper.
Ainsi, plus que jamais dans ce monde, les plus riches sont les plus puissants et dominent les plus faibles. Quelques immortels qui ont fait fortune disposent d’un temps infini, quand la masse de la population trime dans des boulots qui rapportent seulement de quoi s’accorder un sursis de quelques jours ou de quelques heures seulement. C’est ce qui s’appelle vivre au jour le jour…
Dans cette société, « les pauvres sont condamnés à mourir. Il y a assez de temps pour tout le monde. Pour quelques immortels, beaucoup doivent mourir ». Si l’on fait la traduction pour notre monde actuel, cela donne : Il y a assez de richesses dans le monde. Certains sont milliardaires quand d’autres crèvent de faim. Pour quelques très riches, beaucoup y laissent leur peau. Le mouvement des Indignés, de Madrid à Wall Street aujourd’hui, transpose cet état de fait en chiffres. « Nous sommes 99%, ils sont 1% ».
Le monde imaginé par Niccol n’est donc rien d’autre que la parabole de celui dans lequel nous vivons et Time Out d’être probablement le premier film de divertissement à évoquer – et même dénoncer – avec un minimum d’intelligence, la crise qui affecte la planète depuis 2008 et la faillite de la banque Lehman Brothers.
Au delà de la critique sociale, Time Out est aussi un film d’action efficace, bien construit et plutôt correctement rythmé. Le film s’inscrit parfaitement dans la lignée des films de Niccol jusqu’à présent, en particulier de Gattaca dont il est un bel echo.
Comme dans Gattaca, Niccol invente une société du futur, divisée entre une élite et la masse des gens sur la base de principes permis par les avancées scientifiques sur la génétique. Le héros – Vincent (Ethan Hawk) dans Gattaca, Will (Justin Timberlake) dans Time Out – fait partie des exclus de l’élite. Par le truchement d’une rencontre avec un membre de l’élite qui choisi délibérément de saboter son existence privilégiée (l’accident volontaire dans Gattaca, le leg suicidaire dans Time Out), le héros change de condition et franchit les barrières qui le sépare du monde sensé lui être inaccessible. Ce monde n’est atteignable en son coeur qu’à la condition de franchir de nombreux points de passages (par des tests ADN qui valident chaque accès dans Gattaca, par des prélèvements exorbitants de temps dans Time Out). Enfin, dans Gattaca, Vincent trouve en Uma Thurman, qui est une « élue légitime », une complice à ses actes, quand dans Time Out, Will s’entiche de Sylvia (Amanda Seyfried), la fille d’un banquier richissime, et fait d’elle sa partenaire.
A partir de schémas très semblables, Niccol réalise cependant deux films très différents et qui n’aboutissent pas du tout aux mêmes réflexions. Avec Gattaca, comme avec The Truman Show qu’il a scénarisé ou même S1m0ne, Niccol interrogeait l’identité de ses personnages. Avec Time Out, la question est sous-jacente, ou plutôt corrélée à une problématique plus vaste qui est celle de l’organisation du monde, comment les puissants oppriment les plus faibles en les exploitant. Ceci vaut aussi, d’ailleurs, pour Youri (Nicolas Cage) dans Lord of war. Youri est un marchand d’armes qui trouve sa puissance dans son trafic aux dépends de populations meurtries dans des guerres. Pour l’enrichissement d’un puissant sans état d’âme, des peuples entiers crèvent. On se souvient de la très marquante scène d’ouverture de Lord of War, le destin d’une balle de sa fabrication sur une chaine industrielle jusquà sa trajectoire finale dans le crane d’un enfant africain . Cette scène n’a pas d’équivalent autant spectaculaire dans Time Out, mais on retrouve quand même cette idée avec les cadavres qui jonchent les rues des quartiers pauvres.
Derrière le simple divertissement, Niccol instruit une métaphore sociale subtile est intelligente qui ne compromet en rien l’efficacité de l’action. C’est une pierre de plus dans le jardin d’un cinéaste qui, discrètement mais très sûrement, construit une oeuvre solide, très consciente des enjeux du monde, et toujours passionnante.
Benoît Thevenin
Time Out
Sortie française le 23 novembre 2011
Presque surpris de lire une critique aussi sympa avec ce film tant j’en ai lu de mauvaises ! Moi j’ai bien aimé aussi ce mixte entre « Bonnie and Clyde » + Robin des bois qui, certe, manque d’ambition mais qui offre un film d’anticipation très sympa et néanmoins efficace. 2/4