Les Géants, troisième long-métrage de cinéaste de Bouli Lanners (après Ultranova et Eldorado), confirme tout le bien que l’on pense de son travail. De film en film, l’acteur belge se construit une véritable aura de réalisateur, et le mot n’est pas trop fort tant son oeuvre prend forme avec cohérence et séduit.
Comme Eldorado en 2008, Les Géants a été initialement présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Les Géants a même raflé quasiment tous les prix possibles dans cette section. Certes la concurrence n’était pas franchement féroce cette année là, mais quand même c’est un signe. Si Les Géants à tant été apprécié à Cannes, c’est de part sa sensibilité. Bouli Lanners signe un film simple et attachant, beau et tendre, et qui en tous les cas réchauffe l’âme.
Chez Bouli Lanners, les personnages sont des paumés, des marginaux. Ici, les héros sont deux jeunes frères adolescents livrés à eux mêmes par leur mère évaporée dans la nature. Le temps d’un été de désoeuvrement dans la campagne belge, ils vont apprendre à grandir. Ces enfants vont être confrontés tout le long à un monde adulte impitoyable et qui ne montre jamais aucun scrupule à profiter d’eux. Les garçons sont naïfs, impressionnables, mais compensent leur déficit de confiance par une véritable solidarité. Ensemble ils seront plus forts.
Souvent au cinéma, les personnages d’enfants, et encore plus d’adolescents, sont insupportables, de niaiserie, d’insolence ou parce qu’on les affuble d’un caractère d’adulte donneur de leçon qui colle généralement mal avec ce qu’ils sont. Bouli Lanners est à mille lieux de ces représentations là. Ces personnages sont décrits dans toute leur complexité adolescente, entre assurance et forte appréhension, besoin d’attaches et d’affection et en même temps déterminés à s’émanciper. Toutes ces nuances se ressentent bien, et l’on peut féliciter les jeunes acteurs pour toutes ces émotions contradictoires qu’ils arrivent à faire passer. Le film est forcément attachant. Ils sont des victimes mais qui ne se complaisent jamais dans cette posture. Au contraire, ils se démerdent, ils rusent, ils esquivent les dangers. Ils n’oublient pas non plus d’être des enfants, de jouer et de faire des bêtises.
A partir d’une histoire simple, qui aurait facilement pu tomber dans le piège du misérabilisme, Bouli Lanners réussit une belle ode à l’enfance et un film au charme poétique qui s’inscrit dans la lignée de ses précédents. Les Géants est moins directement burlesque ou gagesque que ses autres métrages, mais on retrouve le même genre de personnages décalés et grotesques. Le film n’a beau pas être vraiment une comédie, on sourit beaucoup et les héros dégagent un capital sympathie énorme. C’est un film à la fois doux et cruel mais qui d’une certaine manière rassure. Bien sûr, le film est modeste, court aussi dans sa durée, mais le titre est bien choisit qui le définit bien : on peut être petit et être aussi un géant. Alors certes, on ne criera pas au chef d’oeuvre pour Les Géants, mais ça n’empêche pour autant d’estimer le cinéma de Bouli Lanners passionnant, de lui trouver du coeur et d’être touché par sa générosité. L’humilité de Bouli Lanners n’a d’égale que la justesse de son film. En trois essais et autant de réussites, on peut définitivement dire de Lanners qu’il est bien plus qu’un bon acteur, mais aussi un cinéaste qu’on a très grand plaisir à suivre.
Benoît Thevenin
Les Géants
Sortie française le 2 novembre 2011