The Lady de Luc Besson (2011)

En 1991, l’opposante au régime militaire birman Aung San Suu Kyi reçoit le prix Nobel de la paix à Oslo. Lors de la cérémonie, les violons succèdent aux beaux discours (comme c’est toujours le cas dans ce genre de grands événements qui relèvent aussi de la pure mondanité).

La scène intervient dans le dernier tiers du film et symbolise assez bien ce à quoi il ressemble.

Luc Besson – dont on sait qu’il aime les femmes téméraires et courageuses – raconte sur un mode romanesque et sirupeux le destin de la militante birmane. La musique d’Eric Serra, inonde chaque séquence, est omniprésente, mais toutes les bonnes intentions du cinéaste sont notables. L’idée de Luc Besson n’est pas d’offrir un film politique. Il livre un film qui certes fait le portrait de l’héroïne, mais The Lady raconte surtout une grande histoire d’amour contrariée.

Dans la séquence pré-générique, Suu est une très jeune enfant endormie paisiblement sur une chaise face à un décor paradisiaque. La quiétude du moment contrebalance avec la violence de ce qui se joue autour d’elle. Son père, leader de la libération birmane est assassiné par ses opposants. Ainsi, l’histoire de Aung San Suu Kyi est marquée par l’action d’un père qu’elle n’aura jamais connu, mais un père qu’elle admire plus que tout et qui est un héros national.

Le générique permet un bon de 40 ans et un changement de décor. Aung San Suu Kyi prend les traits de Michelle Yeoh – très convaincante dans son rôle – dans le cadre d’une maison londonienne cosy. Suu est alors une simple mère au foyer, épouse de l’universitaire Michael Aris et la maman aimante de deux enfants bien élevés. Elle se consacre a l’écriture d’un livre sobrement intitulé « Mon père ». Nous sommes alors en 1988 et à l’autre bout du monde son pays, la Birmanie, se déchire dans des mouvements de protestations populaires violemment réprimés par le pouvoir militaire. Les évènements sont relatés dans les journaux de la BBC et, particulièrement affectée par ce qu’il se passe, aussi parce que sa maman est sur place à Rangoon, Aung San Suu Kyi décide de retourner en Birmanie. C’est là que son destin va soudain basculer.

Luc Besson retrace le parcours de Aung San Suu Kyi mais, on le voit, toujours par le prisme de l’amour, pour son père, pour sa mère, pour son mari et ses fils. The Lady est même d’abord l’histoire d’amour du couple Aris-Aung San Suu Kyi. Preuve en est, le récit commence dans l’intimité du couple et trouve son épilogue quand le couple n’existe plus, dix ans avant aujourd’hui. Aung San Suu Kyi est connue pour son action et son courage et la plupart de ceux qui ont entendu parler d’elle savent au moins qu’elle a été pendant 20 ans l’otage du pouvoir et détenue en résidence surveillée. Le film fait ainsi l’impasse sur tout son combat politique entre 2000 et 2010, une décennie ou la pression contre elle et ses partisans n’a cessé de se durcir. Besson n’avait donc aucune intention de retracer vraiment le parcours de la militante. Le film n’a aucune visée politique mais cherche plutôt à rendre hommage de façon consensuelle à un personnage hors norme, une femme au courage exemplaire qui s’est sacrifiée pour son peuple.

Le film est alors moins construit autour de l’action concrète de Aung San Suu Kyi pour la démocratisation de la Birmanie que des efforts de Michael Aris pour libérer son épouse de l’emprise du régime. Besson privilégie la dramatisation aux faits strictement connus. Le film est indiscutablement documenté et retrace les étapes du parcours de Suu, mais pour les besoins de la narration, pour l’efficacité de la dramaturgie, Besson invente par exemple un personnage de méchant qui est la nemesis personnelle de Suu. Suu prend conscience de la violence de ce qui se passe à Rangoon lorsqu’à son arrivée, elle assiste à l’hôpital ou sont soignés les étudiants blessés dans les manifestations, à l’exécution d’un homme par un sbire de la junte militaire. Ce dernier sera plus tard le chef des militaires qui maintiennent Suu en résidence surveillée. Besson compose ainsi une opposition artificielle mais claire : la bonne contre le méchant. Il n’y a pas vraiment de place pour la nuance et le récit n’échappe jamais au manichéisme. Cette construction est somme toute très logique, The Lady étant un film qui, on l’a dit, privilégie le romanesque et l’émotion. Cela n’empêche pas quelques ressorts dramatiques assez grossiers, des généraux à la tête de la junte qui sont pour le moins caricaturaux, ou bien des parenthèses naïves sans doute là pour faire sourire, comme quand le chef des militaires s’inquiète de ce qu’il se passe dans la maison lorsqu’il entend Suu jouer quelques notes de piano. La scène fait sourire mais souligne encore plus l’opposition entre les personnages. D’un côté l’opposante raffinée qui sait jouer du piano, de l’autre les militaires brutaux qui n’ont aucune idée de ce qu’est la musique.

Luc Besson a délibérément choisit de faire un film plutôt lisse, qui n’a pas l’ambition d’aller au fond des choses et de décrire la situation historique et politique de la Birmanie de façon très précise. Avec The Lady, il réussit quand même un bel hommage à son héroïne. Le film est respectueux, sincère. Besson va jusqu’à faire parler les personnages en langue birmane et on lui en est gré car on sait bien, on le remarque à chaque fois à Hollywood, la préférence va souvent à l’anglais universel. Ce choix témoigne de son profond respect pour Aung San Suu Kyi et son histoire, comme sa réalisation, si pudique qu’elle en devient impersonnelle, démontre l’humilité du cinéaste face à ce que représente son héroïne. Au final, malgré les quelques maladresses et/ou grossièretés que l’on peut noter parfois (raaaah ce plan hivernal avec la neige qui tombe juste après le dernier souffle d’un personnage), malgré le trop plein de sensiblerie (clairement Besson cherche à émouvoir, d’où cette musique si envahissante), The Lady est une réussite honnête qui est sans doute à ranger parmi les meilleurs films du cinéaste.

Benoît Thevenin

The Lady ***1/2

Sortie française le 30 novembre 2011

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Un commentaire sur “The Lady de Luc Besson (2011)”

  1. Francois dit :

    Je pense, après notre voyage en Birmanie, que ce sera un des rares films que j’irai voir en salle cette année et ta conclusion me rassure :)

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