Tim Burton n’est jamais aussi à l’aise qu’avec ses histoires les plus sombres. Nous en avons la preuve la preuve la plus éloquente avec ce Sweeney Todd. De la Planète des singes à Charlie et la Chocolaterie, même si chacun des films du génial Tim sont appréciables, force est de reconnaître qu’ils paraissent comme mineurs en égard aux états de service du cinéaste.
Sweeney Todd est l’adaptation d’une comédie musicale de Broadway, écrite en 1979 par Stephen Sondheim. Colossale succès Outre-atlantique et à Londres, elle n’a jamais été montée en France. Mais la légende de Sweeney Todd appartient à l’imaginaire collectif anglo-saxon, elle renvoie aux ambiances des plus sombres romans de Dickens, et touche à des valeurs qui ne sont pas forcément les nôtres.
Il n’y avait sans doute pas de combinaison plus évidentes qu’un duo Burton/Depp pour une bonne adaptation au cinéma de cette histoire. L’évidence s’impose en tous les cas d’elle même devant le spectacle du film. C’est exactement ça, un spectacle, d’une ampleur incroyable, aussi simple narrativement que maligne et tordue. Les couleurs de Big Fish ou Charlie sont bien moins présentes ici, sauf pour figurer la vie heureuse et passée du héros principal, alors dénommé Benjamin Baker. L’affiche du film est en celà parfaitement dans les tons du film : les nuances de gris dominent mais sont éclaboussées par la profusion de sang rouge écarlate. Même si la première gorge tranchée ne l’est qu’au bout d’une bonne heure du film, ça gicle ensuite dans tous les sens et c’est absolument jouissif. Sweeney Todd n’est manifestement pas un film pour toutes les bonnes âmes, il y a même un côté gore qui en révulsera certainement quelques uns. Sweeney Todd marque le grand retour en forme de Tim Burton avec son film le plus viscéralement aboutit depuis, sans doute, Sleepy Hollow, autre légende sanglante, tenez-donc, mise en scène par Burton il y a près de dix ans déjà. Les deux films ont d’ailleurs en communs un plan de tribunal qui prouvent qu’on est bien là dans le même monde filmique et la jeune Johanna interprétée par la nouvelle venue Jayne Wisener, rappelle très fortement le personnage jouée par Christina Ricci dans Sleepy Hollow (même blondeur, même visage etc.).
Et si le film est peut-être d’abord une comédie musicale, Burton en joue avec délice, sans chorégraphie outrageante mais simplement avec une justesse et une élégance morbide vraiment impressionnante. On notera un casting bien sûr parfait, les habituées de la maison en tête (Depp et Bonham Carter, évidemment), mais les nouveaux aussi. Alan Rickman est majestueux en juge vicieux et frustré, et Sacha Baron Cohen apporte un dynamisme et un souffle qui sont autant de promesses quant à la suite de sa carrière. Sweeney Todd était très attendu, mais Burton a affuté ses rasoirs. Le coup est tranchant, net et précis. Un film de métronome, instantanément classique, exaltant et qui fait d’autant plus plaisir que l’on y retrouve la part du cinéaste qui nous à toujours le plus fasciné.
Benoît Thevenin