Blockbuster de l’été 2011, La Planète des singes : les origines n’a pas la portée subversive du classique de la SF réalisé en 1968 par Francklin J. Schaffner, mais n’en demeure pas moins une jolie fable.
Schaffner, plus que Tim Burton qui livra un remake en 2001, avait prit ses libertés avec le roman de Pierre Boulle (publié en 1963). La fameuse séquence de la Statue de la liberté ne se retrouve par exemple pas dans le livre. Pierre Boulle décrivait un monde inversé, où les singes ont prit le pouvoir sur l’Homme et l’exploite. Rupert Wyatt propose lui de remonter aux origines de ce renversement et c’est les grandes lignes du récit original qui sont ici retournées. Cette fois, le véritable héros du film est bien César, chimpanzé qui va conduire la rébellion des singes contre les humains.
Boulle décrivait la prise de contrôle des singes d’une toute autre manière, par un renoncement des humains face à l’emprise croissante des singes. Ici, la prise de pouvoir est donc différente. A San Francisco, une équipe de chercheurs en génétique travaille sur un traitement contre la maladie d’Alzheimer. Les tests sont effectués sur des chimpanzés de laboratoire mais les effets vont peu à peu échapper à la maitrise des scientifiques. Les singes bénéficiant du traitement voient leur intelligence augmenter et de fait prendre conscience de ce qu’ils sont et de ce qu’ils subissent.
A l’instar de la structure originelle, le spécimen le plus intelligent (Ulysse Merou chez Boulle, George Taylor (Charlon Heston) chez Shaffner, César ici) est adopté par un couple de scientifique de l’autre espèce et comme chez Boulle, ce couple (James Franco et Freida Pinto dans le film de 2011) va favoriser/accompagner l’émancipation de celui qu’ils protègent.
La Planète des singes permettait chez Boulle comme chez Shaffner – en plein mouvement pour les droits civiques aux USA – une dénonciation de la ségrégation mais aussi – car on était alors aussi en plein contexte de Guerre froide – une charge contre le nucléaire. Dans le film de Wyatt, il n’y a clairement pas le même objectif, chaque film rend compte de son époque et là, les obsessions dont il est question sont plutôt de registre sanitaire ou financier. Les recherches sur le rétrovirus sont financées par une entreprises privée qui ne raisonne qu’en termes de bénéfices et de risques mesurés. D’autre part ce virus est fatal aux hommes et se propage facilement.
Ces thématiques sont néanmoins seulement parallèles à l’histoire centrale. S’il est question de l’affirmation d’une espèce, il est en premier question de l’affirmation de la personnalité d’un primate, César. César est adopté par Will (James Franco) et Caroline (Freida Pinto) et traverse les phases classiques de l’enfance (apprentissage), l’adolescence (rébellion) et le passage à l’âge adulte (affranchissement de la tutelle des parents). Le film joue ainsi moins la carte d’une dénonciation quelconque que celle de l’émotion pure.
Abonné aux rôles en performance capture depuis son interprétation de Gollum dans Le Seigneur des anneaux, Andy Serkis – qui pour Peter Jackson était déjà rentré dans la peau d’un fameux primate, King Kong – est celui sur les épaules duquel tout repose. Le personnage de César est le véritable héros de cette histoire et toute la réussite du film tient à sa capacité tout bonnement stupéfiante à transmettre de l’émotion et faire ressentir une véritable identification au singe qu’il incarne. Tout passe par les yeux, et c’est dès les premiers instants du film le contrat que Wyatt établit avec le spectateur. C’est dans la pupille des yeux des singes que se mesure la réussite des tests scientifiques. Et c’est par les yeux que Andy Serkis affirme la dignité de César.
Andy Serkis ne peut cependant pas tout tout seul, et une part de la qualité de son interprétation tient à celle des effets spéciaux. On a l’impression de parvenir avec cette version de La Planète des singe au franchissement d’un palier. Les effets spéciaux sont présents partout mais sont d’une façon générale discrets et favorisent toujours les intérêts du film, c’est à dire autant l’humanisation des singes et l’émotion que cela provoque, que la réalisation de Rupert Wyatt. La révolte des singes donnent lieux à un basculement vers le registre catastrophe et des séquences de rébellion/destruction dès plus captivantes. Le morceau de bravoure se place logiquement dans la dernière partie d’un film court (1h40) mais mené tambour battant. Si la Statue de la Liberté à profondément marqué les spectateurs du film de Francklin J. Schaffner, c’est cette fois la longue séquence (20 min environ) de progression des singes sur le Golden Gate Bridge de San Francisco qui frappe les esprits. La conclusion revient elle au registre initial – et intime – du film. L’enfant recueilli au premier âge est devenu grand, et indépendant. Il reste lié affectivement à son père adoptif, comme le prouve le dernier câlin entre eux. La dernière image, avec les singes qui visent la ville humaine dont ils viennent de s’affranchir, ouvre cependant aux conséquences que l’ont connaît. La paix ne durera pas éternellement.
Benoît Thevenin
La Planète des singes : les origines
Sortie dans les salles françaises le 10 août 2011