Réalisatrice et romancière, Cristina Comencini (fille de Luigi, soeur ainée de Francesca, Paola et Eleonora, qui toutes oeuvrent dans le cinéma italien) adapte de nouveau avec Quando la notte l’un de ses romans (Quand la nuit, ed. Grasset, mars 2011). C’était déjà le cas avec ce qui reste le dernier de ses films à ce jour distribué en France, La Bête dans le coeur (2007), avec Giovanna Mezzogiorno (livre aux ed. Denoël).
L’histoire est celle de Marina (Claudia Pandolfi), une jeune mère partie se ressourcer seule avec son fils de deux ans dans un petit village des Dolomites. On ne sait rien de son mari, du motif réel de son absence. Juste le couple échange quelques banalités au téléphone. Marina loue un appartement à Manfred (Filippo Timi) un guide de montagne qu’elle n’est pas sensée croiser de la journée. Marina est une maman impatiente et maladroite, aimante mais qui ne sait pas gérer les pleurs de son fils. Manfred affiche d’emblée une méfiance radicale vis à vis de Marina. Les choses empirent lorsqu’une nuit, il croit que Marina a gravement brutalisé son fils pour le faire taire…
Présenté en compétition à Venise, on se demande comment le film a pu être ainsi mis en avant par Marco Muller. N’y a t’il vraiment rien de plus consistant dans la production italienne actuelle qui mérite davantage le prestige d’une représentation de la cinématographie locale dans le plus prestigieux des festivals en Italie ? Quando la notte s’apparente plus à un mauvais téléfilm qu’a une véritable oeuvre de cinéma. La réalisation est plate, atrocement plate, et même les somptueux paysages des Dolomites ne sont aucunement mis en valeur. Tant pis pour la mise en scène donc, mais il n’y a pas plus de chose à sauver par ailleurs.
Le film cumule les poncifs, entre les personnages ultra caricaturaux (la femme délaissée et le guide de montagne rustre traumatisé par son histoire avec les femmes de sa vie ; sa mère et son épouse) ; le scénario ultra-prévisible qui va privilégier de façon grotesque l’histoire d’amour à la relation ambivalente entre Marina et son fils ; les dialogues désarmants de naïveté et qui prêtent à rire plutôt qu’à capter un peu l’attention. Tout ceci sans compter des scènes qui confinent au ridicule le plus total. Un exemple ? Marina finit par confier à l’une des belle-soeurs de Manfred qu’elle a du mal parfois à se sentir mère. Celle-ci lui répond, « moi aussi je vais te raconter quelque chose que je n’ai jamais dit ». Et là, la séquence en flash back où la belle soeur est allongée nue sur son lit. Son bébé refuse de se nourrir à son sein et elle s’inquiète que son téton s’infecte. Son mari rentre dans la chambre et prend la place du bébé à la tétée pour soulager son épouse… On a connu révélation plus renversante.
Dépourvu de la moindre finesse ou de la moindre psychologie, Quando la notte tient quand même vaille que vaille debout pendant 1h20, le temps du traitement de l’histoire trouble de Marina, où un certain doute est quand même entretenu quant à son rapport avec son fils, quelle appelle « le petit » plutôt que par son prénom, Marco. Cependant, progressivement, ce sujet là est écarté au profit de l’histoire entre Marina et Manfred. Il n’y a guère de doute quant à l’issue, le secret de Marina est le seul obstacle au déchainement de la passion.
Le film aurait pu s’arrêter là, mais non. Preuve que finalement seule l’histoire d’amour intéresse Cristina Comencini, elle nous embarque pour une dernière demi-heure toujours plus navrante. Quinze ans après, Marina, a priori âgée de 50 ans environ maintenant, n’a pas pris une ride mais a quand même changé de coupe de cheveux. Manfred non plus n’a pas beaucoup vieilli, mais il boîte, conséquence d’un accident stupide dans la première partie. Marina est revenue seulement pour Manfred. Le petit Marco a maintenant 16 ans, il est évoqué mais il n’est plus là, il ne compte plus. Evidemment Marina n’a vécu pendant toutes ces années que dans le regret de sa passion éphémère avec Manfred, et idem pour lui. La réalisatrice surligne l’idée par cette scène ou lorsque leurs cabines de télésiège se croisent, chacun se colle à la vitre pour regarder l’autre dans les yeux. Le chassé-croisé dure vingt-minute, et les dernières achèvent le naufrage. Manfred, en haut de sa montagne, le regard porté vers l’horizon / Marina, assise dans le métro romain, le regard perdu dans ses souvenirs / Deux cabines télésiège qui se rejoignent et l’écran du générique qui survient lorsqu’elles fusionnent…
La question est, comment peut-on en arriver à ce point de lourdeur ? Et encore, on n’a même pas parlé des quelques notes de piano qui surchargent un peu plus le mélo final. Même les acteurs peinent à exister au delà des caricatures. Claudia Pandolfi (La Prima cosa bella) s’en sort quand même bien mieux en mère culpabilisante que son partenaire Filippo Timi (Vincere) en montagnard solitaire et à fleur de peau.
Il va sans dire que le film n’a rien obtenu à Venise. On se demande déjà assez comment il a pu accéder à la compétition.
Benoît Thevenin