A Dangerous method de David Cronenberg (2011)

A force de sonder les névroses humaines et décrire les pulsions physiques et obsessionnelles de ses personnages, il est assez cohérent que David Cronenberg s’intéresse à la psychanalyse et à la relation entre ses deux pères fondateurs, Carl Jung et Sigmund Freud. Le cinéaste s’est construit une réputation via ses films gores et cérébraux des années 70 et 80. Progressivement, Cronenberg a cependant glissé vers toujours plus de classicisme et une forme de cinéma qui dérange de moins en moins mais qui reste élégante et interroge.

La psychanalyse tient une place centrale dans son oeuvre, de M. Butterfly (1993) à Spider (2002) pour les plus directement liés à la question. A Dangerous method, d’après une pièce que  Christopher Hampton avait tiré du livre éponyme de John Kerr, lui permet d’aborder frontalement les choses. Le récit est centré autour de la figure de Carl Jung (Michael Fassbender). Ce n’est que tard dans la narration que Sigmund Freud (Viggo Mortensen) apparaît.

Dans la séquence d’ouverture, une femme en pleine crise d’hystérie est conduite au Burghölzli, la clinique psychiatrique universitaire de Zurich ou officie le docteur Jung. Sabina Spielrein (Keira Knightley) devient la patiente de Jung puis, plus tard, sera sa maîtresse. Sabina, au delà des crises dont elle souffre, ambitionne de devenir elle-même psychanalyste. Elle se rapprochera de Freud et deviendra un enjeu entre les deux médecins.

Le film se construit en une succession de confrontations entre les personnages. Il n’y a que peu d’action ou de progression dramatique au delà des échanges verbaux. Dans chaque séquence ou presque, un personnage remplit la fonction de l’analyste et l’autre celle du patient, avec comme principe renouvelé systématiquement, un basculement qui fait que les positions tendent à s’inverser. A cet égard, le personnage d’Otto Gross (Vincent Cassel), est éloquent. Reçu en tant que patient par Jung, il provoque le docteur et lui impose son discours qui va faire sauter un verrou dans l’esprit de Jung. Ce n’est là qu’un exemple parmi tous les autres.

A travers cette histoire, Cronenberg raconte la naissance de la psychanalyse et la rupture entre Freud et Jung, à l’origine de deux courants fondateurs. Ce n’est pourtant pas ce qui semble intéresser vraiment le cinéaste.
On a comme l’impression que Freud est moqué, à travers cette obsession de la libido qui en certaines situations prête à sourire, aussi parce que Freud se montre très fermé aux idées élargissant le spectre de sa pensée. C’est là peut-être un leurre. Celui qui est considéré comme le père de la psychanalyse est finalement le seul dans cette histoire qui reste plutôt droit dans ses bottes, en ce sens qu’il reste dans sa position de référent et ne se laisse pas corrompre par les obsessions de ses collaborateurs. Il est le personnage le plus stable, le garant d’un esprit sérieux. Cronenberg nourrit les ambiguïtés par ailleurs, construit des dualités autant que des dédoublements dès lors que les personnalités se révèlent toutes, à divers degrés, ambivalentes et perturbées.

Cronenberg imprègne un rythme romanesque, au moins pour la première moitié, entrainante et même captivante. Le film perd ensuite en intensité, sans doute de part ses nombreuses ellipses qui donne une impression de narration en pointillée et qui finit par s’essouffler et nous abandonner à un sentiment quelque peu mitigé. A Dangerous method n’en reste pas moins convainquant, avec une mise en scène discrète et subtile qui laisse toute la place aux acteurs. Keira Knightley est la plus spectaculaire, a le rôle le plus physique, se contorsionne dans tous les sens lors des crises de son personnage. Michael Fassbender, quelques semaines seulement après la sortie de Shame, s’impose encore davantage, réussissant à faire ressentir la fragilité qui se diffuse très lentement dans le personnage de Jung.  Quand à Viggo Mortensen, pour sa troisième collaboration consécutive avec Cronenberg, il affirme en Freud une force tranquille et qui agit en catalyseur entre la fougue de Sabina et la relative rigueur de Jung.
A Dangerous method n’est sans doute pas le film le plus immédiatement marquant de Cronenberg, ni son meilleur c’est sûr, mais il tient d’office une place absolument légitime dans l’oeuvre d’un cinéaste habitué à nous plonger dans les eaux troubles de l’inconscient.

Benoît Thevenin

A Dangerous method ***1/2

Sortie française le 21 décembre 2011

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Un commentaire sur “A Dangerous method de David Cronenberg (2011)”

  1. selenie dit :

    Cronenberg change de registre (quoique ?!) pour une Histoire vraie extrèmement bien documentée. Le scénario est parfois assez lourd et bavard mais les acteurs emportent toutes nos adhésions. 3/4

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