Après Rosemary’s Baby, Roman Polanski se penche d’abord sur l’adaptation de Papillon, l’autobiographie de Henri Charrière qu’il envisage avec Warren Beatty dans le rôle principal. Le film a du mal a se financer et le projet tombe à l’eau (il sera plus tard repris par Franklin J. Shaffner et avec Steve McQueen et Dustin Hoffman pour le succès que l’on sait). A la même époque, le meurtre de son épouse Sharon Tate et quatre de ses amis à Los Angeles plonge le cinéaste dans la tourmente, entre le drame lui-même et l’acharnement d’une partie des médias contre lui.
Amoureux de l’oeuvre de Shakespeare depuis sa jeunesse, admirateur de l’Hamlet de Laurence Olivier (1948), Polanski qui se sait attendu au tournant pense se protéger en choisissant d’adapter une oeuvre emblématique du dramaturge britannique. Il focalise son intérêt sur Macbeth, pièce déjà adaptée par Orson Welles (1948) ou Akira Kurosawa (Le Château de l’araignée, 1957) dans des versions qu’il juge sévèrement.
Polanski tourne (pour partie) son Macbeth dans le Northumberland, dans une région au nord de l’Angleterre où quelques années auparavant il a réalisé Cul-de-sac.
Dès la séquence d’ouverture avec les trois sorcières – qui d’une certaine manière fait le lien avec le groupe sataniste en conclusion de Rosemary’s Baby – on se rend compte de la volonté de Roman Polanski de rester au plus près fidèle à la pièce de Shakespeare. Le cinéaste reprend en effet des tirades entières du texte originale, les monologues sont transposés en voix off, et il prend assez peu de liberté par ailleurs. De cette façon là, il semble s’inspirer du propre travail d’adaptation de Laurence Olivier pour sa trilogie (Henry IV, Hamlet et Richard III). Les acteurs dans leur ensemble, dont Jon Finch et Francesca Annis dans les peaux du couple comploteur, s’en sortent très bien et ne cèdent pas à la théâtralité.
Si la tradition du théâtre Elizabethain voulait que les morts des personnages ne soient jamais représentées directement sur scène, Polanski va lui à l’inverse et filme les scènes de violence sans épargner le spectateur, sans aucune distance. Polanski privilégie toujours un certain réalisme et c’est ce que certains critiques lui reprocheront à la sortie du film, avoir livré un film si violent alors que tout le monde a encore en mémoire le drame du meurtre de son épouse un peu moins de deux ans auparavant.
Il ne faut sans doute pas surestimer la part de catharsis dans la démarche du cinéaste mais peut-être pas non plus la sous-estimer, d’autant que Rosemary’s Baby prouvait l’aisance de Polanski a instaurer le malaise par la suggestion ; mais Polanski traverse une période particulière dans sa vie et ce film l’illustre. Cela tient d’abord du choix d’adapter Shakespeare et cette pièce en particulier. Macbeth est une pièce violente, pourquoi en serait-il différent du film dès lors que Polanski privilégie l’authenticité et la fidélité à l’oeuvre d’origine ? Lui reprocher cette violence, c’est lui faire un procès d’intention.
Cette version de Macbeth est certes violent, c’est incontestable, mais cette violence parait aujourd’hui désuète. Le film dans son ensemble est plutôt dépouillé. Il n’y a pas surenchère de moyens et cela se constate à l’écran. En même temps, cela donne au film un cachet intemporel, mais dans le sens où il parait figé dans son époque, pas celle où le film à été réalisé, plutôt celle que traverse les personnages.
Polanski réalise une excellente adaptation de la pièce de Shakespeare, respecte les temps forts et les moments intimes, rend compte avec subtilité des rapports entre les personnages, des luttes d’influences, des combats psychologiques, des évolutions progressives des comportements etc, avec une mise en scène parfaitement en accord. La caméra de Polanski reste discrète, avec quand même de jolis mouvements jamais tape-à-l’oeil et des poussées violentes à chaque fois impressionnante. La séquence finale de la mort de Macbeth est à ce titre saisissante, avec des comédiens épuisés et alourdis par leur armure et qui se livrent totalement.
Notons enfin que Macbeth est le premier film de cinéma à être produit par Playboy Productions et Hugh Heffner. Cependant, la seule scène nue -Lady Macbeth en pleine crise de somnanbulisme sortant nue de son lit – reste très pudique. En revanche, et c’est là que l’anecdote prend un peu de sa saveur, Playboy Productions n’a rien à voir avec le film suivant de Polanski, Quoi ? une comédie très légère avec Sydne Rome et Marcello Mastroiani sortie dès l’année suivante.
Benoît Thevenin