En expédition en Antartique, le paléoclimatologue Jack Hall (Dennis Quaid) et son équipe manquent de périr lorsqu’un plateau de glace se détache subitement du continent. Une série d’évènements climatiques spectaculaires surviennent dans le même temps à divers endroits de la planète. Ce sont les premiers signes d’un changement global du climat sur la Terre et le monde occidental, les Etats-Unis au premier chef, est immédiatement menacé…
Une des premieres séquences du film montre politiques et scientifiques, dont Jack Hall, réunis à New Dheli pour une conférence internationale sur le climat, comme il y en a tous les ans (en 2011, à Durban en Afrique du sud). Le débat tourne autour de l’urgence à concentrer les efforts de l’action politique à préserver l’équilibre naturel de la planète quand les problèmes économiques et sociaux paraissent des enjeux cruciaux aussi, et plus directement concrets… Justement à Durban en 2011 et parce que la crise économique frappe durement, l’urgence climatique a quelque peu été revue à la baisse.
Roland Emmerich n’est pas homme à faire vraiment de la politique. Malgré ses gros sabots, il faut reconnaitre que Le Jour d’après commence plutôt bien, qui semble alerter dans une assez juste mesure de la situation réelle de la planète aujourd’hui et de la difficulté pour les politiques de s’engager sur la question. Roland Emmerich a en plus casté Kenneth Welsh pour le rôle du vice-président bientôt commander in chief et il est aisé de lui trouver une ressemblance avec Dick Cheney, alors vice-président de Bush Jr.
Ceci a tendance à accréditer la volonté de Roland Emmerich de livrer un film certes spectaculaire et divertissant, mais qui a aussi une conscience citoyenne. C’est d’autant plus louable que le cinéaste allemand n’a jamais jusque là que promeut le sentiment patriotique américain dans ses films. Cela dit, les bonnes intentions affichées ne dépassent jamais le stade de l’anecdote. Il passe vite à d’autres préoccupations.
Le scénario-catastrophe de Roland Emmerich est une extrapolation en même temps qu’une accélération de la théorie de l’inversion du courant du Gulf Stream. La théorie est crédible, mais il est en revanche peu problable que nous basculions en quelques jours dans une nouvelle ère glaciere comme dans le film. En revanche, la théorie fournit à Emmerich l’occasion d’un film catastrophe global, garanti sans monstre, sans extra-terrestre, sans intervention divine.
La principale réussite du Jour d’après est là. Le film est de loin le plus spectaculaire et le plus impressionnant du cinéaste. Chacune des séquences catastrophiques représente presque un morceau de bravour. Le spectateur est servit, qui est là pour des sensations fortes et des images inédites de destruction, et il se régale. Ceci d’autant plus que le réalisateur n’est pas du genre à multiplier les plans jusqu’à l’épilepsie comme certains de ses confrères dans le même genre. Roland Emmerich a un certain savoir-faire, c’est net, et dans Le Jour d’après éclatant.
Cependant le film n’est pas exactement admirable en tout point non plus. Passe encore les séquences mièvres : on reste dans un film qui est un divertissement pour toute la famille d’abord. Il est évident qu’on est pas là pour faire pleurer dans les chaumière plus que de raison. La famille triomphera, ses valeurs avec, et même si on se passerait bien de l’histoire de l’enfant leucémique, force est de constater que Emmerich n’appuie pas plus qu’il ne faut. Un peu de sentimentalisme participe des bons sentiments généraux qui caractérisent chacun des personnages. Dans la famille modèle des héros (Dennis Quaid-Sela Ward-Jake Gyllenhaal), il n’y a pas de petit héroïsme. Si ce sont eux les héros de l’intrigue et pas les autres survivants à la fin, c’est justement parce que leur histoire est exemplaire, hors-norme, et suffit à promouvoir la famille comme valeur refuge ultime quand tout va mal. Roland Emmerich – qui écrit lui-même la plupart de ses films – n’est peut-être pas un maître de subtilité, mais il connait la recette.
La recette de Roland Emmerich privilégiera toujours le spectaculaire et un peu d’émotion au fond. En ce sens, Le Jour d’après est emblématique. Roland Emmerich enferme un groupe d’étudiants (dont Jake Gyllenhaal et Emmy Rossum) à l’intérieur de la New York Public Library, un temple de la connaissance. Surtout, il ne trouve rien de mieux que d’obliger ceux qui sont présentés comme des petits génies, de se livrer à un vaste autodafé pour la bonne cause : préserver le savoir ou mourir, faites votre choix. Certes il y a débat entre les personnages. Certains livres méritent peut-être de cramer après tout ? Ceux jugés obsènes par exemple, les manuels d’économie aussi… En revanche la Bible de Gutenberg sera précieusement protégée, autant pour sa valeur symbolique (il est le premier livre jamais imprimé et représente ainsi, d’après le bibliothécaire-protecteur, l’entrée dans l’ère du savoir et de l’intelligence), que parce qu’il s’agit de la Bible, tout simplement. Difficile là de faire l’impasse sur ce gigantesque élan de bêtise de la part de Emmerich, d’autant que la bibliothèque contient assez de mobiliers quand même moins indispensables que les livres pour servir de combustible. Brûler des chaises est cependant sans doute moins spectaculaire que lancer des ouvrages dans la cheminée. Ce choix, Emmerich l’a fait depuis longtemps : le spectacle plutôt que l’intelligence, toujours, quitte à décerveler l’esprit du public
Benoît Thevenin
Le Jour d’après
Sortie française le 26 mai 2004