Almodovar nous a habitué à ses portraits de femmes et il faut bien avouer que l’on ne s’en lasse pas. Volver est un film emmené par l’entrain de Penélope Cruz. Les sujets abordés sont plutôt grave mais c’est la légèreté avec laquelle tout cela est conté, cette gaieté permanente que l’on retient. Ici on s’éloigne des mélos à la Douglas Sirk qu’Almodovar affectionne tant. Un douloureux secret pèse sur la famille mais, au bout du compte, il permettra à toutes ces femmes de se révéler.
Il n’y a en tout et pour tout qu’un seul vrai personnage masculin. Sa scène dure 5 minutes. Paco est le mari de Raimunda (Penélope Cruz). Il est présenté comme quelqu’un de foncièrement grotesque : il vient de se faire virer de son travail et sirote tranquillement sa bière sur le sofa et devant un match du Deportivo La Corogne. Ses femmes rentrent, son regard se porte sur l’entrecuisse de sa fille. Plus tard, il la regarde par l’échancrure de la porte de sa chambre en train de se déshabiller. La scène suivante, Paco gît dans son sang. Il a tenté d’abuser de sa fille et celle-ci lui a planté un coup de couteau dans le ventre.
Il y a donc dans Volver un écho par rapport au précédent film du cinéaste espagnol, La Mauvaise Education avec ce thème de l’innocence volée qui traverse les deux films. Dans Volver, ce thème survole le film mais n’en est pas l’élément principal. Almodovar lui, se démarque de La Mauvaise Education. Point de lyrisme, ni de mélo donc. Mais ceci ne veut pas dire que le film est dépourvu d’émotions. Bien au contraire. Les émotions, c’est ce qui traverse chacun des films d’Almodóvar. Volver est avant tout un portrait de femme(s) mais un portrait infiniment sensible.
Au-delà de la tentative d’inceste – prétexte à un enchaînement assez burlesque des lors qu’il faut se débarrasser du corps – Almodóvar évoque plus frontalement cette relation entre deux sœurs et cette mère présumée disparue dans un accident de voiture. Cette mère (Carmen Maura) revient d’entre les morts. L’occasion pour elle de restaurer les liens avec Raimunda, sa fille qui l’aime tant mais s’est coupée d’elle avant sa disparition.
Parallèlement à cette histoire, une voisine et amie de Raimunda est elle aussi à la recherche de sa mère. Elle est malade et souhaite savoir si elle est toujours en vie ou non. Tous les personnages sont finalement en quête de leur identité, en proie à des doutes, des pulsions (de sexe, de mort)… L’ambiguïté est permanente.
Autour de Raimunda, il n’y a donc que des femmes. Toutes ces histoires se croisent et permettent à Raimunda de sortir d’une certaine torpeur dans laquelle elle est malgré elle enfoncée.
Ce portrait de femme(s), hautement subtil et sensible, est l’un des plus beaux qu’Almodóvar nous ait offert.
Benoît Thevenin