Khalifah de Nurman Hakim (2011)

Nurman Hakim est bien connu des festivaliers du FICA de Vesoul puisqu’il a reçu en 2009, le Grand Prix pour son premier long-métrage, Pesantren, dans lequel il était question, dans une école coranique, de l’interprétation d’un texte sacré. Le cinéaste revient à Vesoul pour la 18e édition du festival et la religion reste la préoccupation principale dans son travail.

Khalifah est une sublime jeune femme exerçant le métier de coiffeuse dans un salon tenue par sa tante à Jakarta. Elle vit avec son père veuf et son jeune frère dans une modeste maison. Khalifah va se sacrifier pour eux, de bon coeur, en acceptant un mariage arrangé avec le fils d’un riche commerçant, et permettre à son frère de poursuivre ses études. Le mari de Khalifah est souvent sur les routes pour son travail de négociant et laisse souvent la belle Khalifah seule. Elle est l’objet de beaucoup de convoitise mais ce n’est pas le noeud du récit. Lorsque la jeune femme subit une fausse-couche, elle décide de porter le voile intégrale, pour satisfaire, croit-elle, aux exigences de son Dieu. Le regard que porte les gens sur elle va changer radicalement..

Khalifah n’est jamais victime de la volonté des autres, mais plutôt une victime de la société indonésienne et des codes qu’elle a intégré depuis son plus jeune âge. Elle se soumet de sa propre initiative aux hommes et choisit le port du niqab moins par conviction que par tradition et superstition.

Nurman Hakim révèle une société indonésienne de tradition musulmane certes, mais où le port du voile intégral n’est pas mieux accepté qu’en Occident. Khalifah commence à subir les insultes, les regards soupçonneux. On l’assimile à une terroriste, dans un pays ou la menace de la Jemaya Islamiah est présente dans tous les esprits.

Le cinéaste offre un film qui va à l’encontre des préjugés, ceux à l’intérieur même de la société indonésienne, mais aussi ceux des spectateurs occidentaux qui découvriront son film. Khalifah montre une réalité très nuancée et extrêmement difficile à appréhender. Cela montre la complexité de la question du voile et, si l’on réfléchit à la lumière des débats que l’on connait en France, la bêtise qu’il y a à légiférer sur cette question.

Nurman Hakim ne fait pas le procès de la religion, il est dans le respect de la foi et cherche à rendre compte d’une réalité complexe et vicieuse. Cela était déjà le cas dans son précédent film comme on l’a révélé plus haut. Nurman Hakim conduit son histoire avec beaucoup d’intelligence. En revanche son film manque peut-être un tout petit peu de maîtrise et de rythme. Le jeune cinéaste est depuis partie étudier aux Etats-Unis et on peut se demander si ce parcours ne va pas lui permettre d’affiner davantage son style. Si c’est bien le cas, il sera un réalisateur à suivre de près. Ces premiers films de jeunesse démontre en tous les cas qu’il a un véritable talent.

Benoît Thevenin

Khalifah ***1/2

Email

Laisser une réponse