Dans le cinéma chinois, on a plutôt tendance à voir la face un peu luxueuse de la ville de Shanghaï. Return Ticket donne à voir une autre réalité, s’intéresse aux travailleurs migrants qui dans l’ombre occupent les tâches les plus ingrates. Le film est réalisé par le cinéaste taïwanais Teng Yung-shing et a bénéficié du soutien de son compatriote Hou Hsiao-hsien, en tant que producteur exécutif. Le cinéaste a lui même vécu pendant plusieurs années à Shanghaï et cette problématique du déracinement, sans doute l’a t’il vécu.
Le film tourne autour du personne de Cao Li, une jeune femme qui, après avoir échoué dans son projet de création d’entreprise, se retrouve simple femme de ménage. Elle démarche dans la rue des femmes qui pourraient être candidates à un retour dans leur ville natale pour les célébration du Nouvel An, organise le voyage et la vente de billets, pour gagner un peu d’argent.
Teng Yung-shin fait comme ça le portrait d’une multitude de personnages. Les migrantes les plus en bas de l’échelle sociale, qui travaillent dans les arrières cuisines ou comme femmes de ménages, n’ont pas les moyens de se payer le voyage du retour vers Fuyang dans la province d’Anhui (à environ 700 km de Shanghaï). Cao Li organise un voyage qu’elle promet bien plus beau et confortable qu’il ne sera. Elle s’associe avec deux garçons lesquels ont mis la main sur un bus délabré qui devra faire l’affaire. Le film oscille entre le volontarisme de Cao Li (admirablement interprétée par Qin Hailu) et les petites trahisons qui font que rien ne sera facile.
Le film est plutôt habile et subtile, qui décrit une réalité qui, dans cette histoire concerne une vingtaine de personnages environ, mais des millions sinon, comme le révèle les impressionnantes images du générique de fin. On découvre en effet des images d’archives spectaculaires ou des marées humaines de migrants convergent vers le même objectif du retour.
Là où le film laisse perplexe, c’est dans son parti pris esthétique. Est-ce parce que le cinéaste fait le portrait de travailleurs de l’ombre ? La moindre séquence en intérieur plonge les personnages dans une obscurité qui est très agaçante pour le spectateur. Ces scènes sont systématiquement sous-éclairées et l’on ne distingue pas grand chose à l’écran (1). C’est là un comble quand on sait que Hou Hsiao-hsien est le producteur exécutif du film. Heureusement, le film ne se limite pas à ça. Le personnage de Cao Li est suffisamment touchant pour remporter un minimum d’adhésion.
Benoît Thevenin
(1) Sur le site Ecran Noir, le cinéaste explique son choix