On rentre dans ce film, comme on est propulsé témoin d’une énorme dispute entre un couple. On débarque en pleine hystérie mais cela ne présage pas grand chose ce qui va suivre. Le second long-métrage de Ben Wheatley après (le toujours inédit en France) Down Terrace, est un film de fou-furieux, un objet filmique inclassable à la lisière de plusieurs genres et qu’il est très délicat d’aborder.
Le film commence donc sur une violente dispute. Jay est un soldat britannique de retour d’Irak et qui vit dans la frustration de ne pas être encore sur le champ de bataille. Son épouse suédoise, Shel, est également soldate. La guerre ils la poursuivent au sein de leur foyer. Kill List détonne d’emblée par son ton acerbe, l’intensité quasi sauvage des rapports entre les deux. Ils semblent s’aimer autant que leur couple parait être en totale rupture. Pour l’instant, Kill List reste relativement simple a appréhender. Il s’agit de rapport de force entre les deux et le discours social qui émerge de leurs affrontements, une forme de lutte des classes qui se met en place, tout cela est assez facile à discerner.
Le récit commence a basculer lorsque le couple reçoit à dîner Sam, le meilleur ami de Jay, et la dernière conquête de celui-ci, Gal. Sans prévenir, en marge d’une nouvelle dispute très bruyante, Sam s’entretient avec Jay et ils discutent d’une nouvelle mission qui leur est offerte. On comprend là qu’ils sont tueurs à gage et ont une liste de personne à éliminer, d’où le titre. Le récit commence a emprunter une voie dont il est impossible d’imaginer où elle va nous mener. Ben Wheatley va déployer de façon virtuose une violence à la fois simple et proprement sidérante, d’autant qu’on a du mal à imaginer des effets de montage dans les scènes les plus saisissantes. La séquence du marteau risque de faire grincer bien des dents.
A la lisière du drame social et intime, de l’odyssée meurtrière et du fantastique, Kill List provoque incompréhension, rejet, et fascination. Le film est un objet hybride et curieux, déroutant et cinglant. On ne se retrouve pas tous les quatre matins face à un film autant à même de remettre en cause bien des certitudes de spectateurs.
Il devient dès lors extrêmement délicat de commenter Kill List sans gâcher les surprises. Il est important de se laisser embarquer dans cette histoire folle, d’accompagner les personnages dans leur descentes aux Enfers en se laissant balader par le cinéaste. Ben Wheatley ne nous ménagera pas et nous laissera même à une sensation de cruauté absolue plus ressentie depuis le peu recommandable A Serbian Film. Sans aller jusque là, c’est plutôt de Shakespeare qu’il faut se souvenir tant le dramaturge à su infliger des traumatismes colossaux à ses personnages et à ses spectateurs. De toutes les influences que l’on peut distinguer dans Kill List, c’est peut être à cette lignée là, typiquement britannique donc, qu’il faut en fait rattacher – s’il fallait rattacher Kill List à quoi que ce soit – le film.
Benoît Thevenin
Kill List
Sortie dans les salles françaises le 11 juillet 2012
Marrant j’ai aussi pensé à Serbian Film, pourtant ils ont pas vraiment grand chose à voir.
Pis ça m’a fait marrer d’entendre les petits gémissements dans la salle avec le marteau.
Petite soirée coup de poing, j’ai enchainé Kill List avec A.C.A.B qui est pas mal du tout aussi. 25 personnes dans la salle, 25 mecs. Enfin c’est plus coup de matraque, pour celui ci.
A noter qu’à L’Etrange Festival, il y aura un Focus sur les 3 films de Wheatley, peut être en sa présence.