Révélé à l’âge de 28 ans par la Quinzaine des réalisateurs en 2002 avec Japón, Carlos Reygadas à immédiatement fait parler de lui, de part sa représentation provocante de la sexualité et son exigence formelle qui confine à la radicalité. Japón déclenchait des émotions puissantes. Ses films suivants, Bataille dans le ciel (2005) et Lumière silencieuse (2007) ont confirmé les inclinaisons du cinéaste.
Les réactions autour des films de Reygadas ont toujours été très tranchées. Post Tenebras Lux, son quatrième long-métrage, risque de dérouter plus que le cinéaste ne l’a jamais fait…
Disons le tout de suite, on est pour l’instant incapable de disserter sur ce film tant la mégalomanie du cinéaste côtoie le grand n’importe quoi. On ressort du film trahi, comme si Reygadas se payait ostensiblement la tête de chacun de ses spectateurs.
Aidons nous du dossier de presse : « Juan et sa famille ont quitté leur ville de Mexico pour s’installer à la campagne où ils profitent et souffrent d’un lieu qui voit la vie différemment. Ces deux mondes coexistent pourtant, sans savoir s’ils se complètent réellement ou si chacun lutte pour la disparition de l’autre ».
La vérité, malgré une attention pleine et entière face à chacune des 120 minutes du métrage, c’est que l’on a compris à peine quelques bribes de ce pitch là, et plutôt la première phrase seulement. Le sens de la démarche de Reygadas, l’intérêt de son film, on ne le perçoit pas. L’émotion ne transpire pas plus.
En revanche, on reconnait une certaine fascination devant la mise en scène de Reygadas. Post Tenebras Lux n’éprouve pas la patience des spectateurs de la même manière que ces autres films. Le cinéaste n’impose pas le rythme lent et le silence qui ont fait tant impression et dépression face à son travail. Post Tenebras Lux, c’est une succession d’images plus où moins sublimes et qui juxtaposées les unes aux autres ne produisent qu’un sens assez vague. Le film n’est d’aucune manière narratif. Alors, où Reygadas a t’il voulu en venir ? Sans doute nulle part.
Benoît Thevenin
Bonjour, j’ai lu partout à propos de ce film qu’il n’y avait pas de narration, que c’était une succession de scènes sans liens, un livre d’images etc. et à la vision du film, je m’interroge quand même sur cette réception qui semble partagée par beaucoup : A t’on vu le même film ? Certes l’enchaînement des scènes est apparemment distendu, faussement disjoint, mais malgré tout il y a quand même deux lignes narratives, ou disons deux destins, qui s’entremêlent : le couple blanc-bec installé dans la pampa mexicaine qui doit faire face à son propre délitement et entretient des relations difficiles avec les autochtones, et d’autre part, la figure destructrice du délinquant mexicain, le 7, qui malgré une volonté de se repentir va basculer à nouveau dans la délinquance… En arrière-fond, ou à l’avant-plan, c’est selon, il y a les enfants, spectateurs insouciants des dérives des adultes. Dès le départ, c’est clair qu’il y a une narration. On sent qu’un drame se noue et malgré quelques disruptions, narratives ou oniriques (le diable), le film suit une ligne narrative très continue dans une relative continuité temporelle. Il semble que beaucoup de personnes aient été obnubilées et ce soit focalisées sur les moments les plus insolites ou les plus provocants : du diablotin kitch au final sanguinolent en passant par les scènes d’échangisme dans le hammam et la partie de rugby, et n’aient plus retenu que cela, qui n’est qu’une portion infime du film, comme si, il n’y avait pas de personnages principaux ni de constance narrative. C’est quand même étonnant et cela sans parler d’être pro ou anti… Enfin, s’il fallait apprécier un film, un musicien ou autre au gré de ce que les dossiers de presse en racontent, on passerait à côté de beaucoup de choses. Je n’adhère pas complètement au film, il me fascine sous certains aspects et je crois que cela, c’est en grande partie partagé, mais je ne comprends pas l’hostilité quasi généralisé que suscite ce film. Quoi qu’il en soit, mes salutations amicales Benoît!