La présentation en clôture de Cannes 2012 de Thérèse Desqueyroux était l’occasion pour le monde du cinéma de rendre un hommage mérité à Claude Miller, disparu quelques semaines plus tôt, le 4 avril, à l’âge de 70 ans. Le cinéaste aux 17 longs-métrages – dont La Meilleure façon de marcher, Garde à vue, Mortelle randonnée ou La Classe de neige – était déjà malade et affaiblit lorsqu’il a commencé le tournage de cette nouvelle adaptation du roman de François Mauriac, cinquante ans après celle de Georges Franju avec Emmanuelle Riva.
L’idée d’une adaptation de Mauriac émane du producteur Yves Marmion, lequel a d’abord proposé à Miller de se pencher sur Désert de l’amour. Le cinéaste a préféré se retourner sur ses souvenirs d’étudiants, a relu Thérèse Desqueyroux et porté son choix sur ce livre.
Le roman est structuré en flashback. Claude Miller a lui opté pour une narration très linéaire et s’est débarrassé de beaucoup des ambiguïtés qui font toute la richesse du roman. Dans la plupart de ces films, Claude Miller a tenté de rendre compte avec sa caméra des tourments intérieurs de ses personnages. C’est sans doute cet aspect là qui l’a séduit dans Thérèse Desqueyroux. Le personnage, ici incarné par Audrey Tautou, est complexe, difficile à saisir, pétri de contradictions. La mise en scène simple et ultra classique de Miller ne permet pas d’en saisir les nuances. Tout doit alors passer par le jeu des acteurs et Audrey Tautou s’en sort bien, quand bien même son personnage a été lissé et ne lui offre pas vraiment la place pour donner davantage. A côté d’elle, c’est Gilles Lellouche qui se révèle le plus convainquant. L’acteur, peu habitué à ce genre de rôle, trouve une stature inédite, moins impulsif et plus charismatique que dans la plupart de ses films jusqu’alors. A certains moments, on retrouve même dans son jeu quelque chose de Jean Gabin. C’est dire si avec encore du travail et des propositions de rôles allant en ce sens, Lellouche pourrait donner une nouvelle impulsion à sa carrière.
Les acteurs ne suffisent pas à faire le film. Il manque une exigence, le souffle de la révolte qui gronde, la passion des tourments intérieurs que l’on retrouve dans beaucoup de films de Miller. Ici, le style est à peu près aussi plat que le récit, autant de signes sûrement de la fatigue d’un cinéaste qui aura gardé le goût de son travail jusqu’au bout mais qui n’avait plus l’énergie de ses plus belles années. Thérèse Desqueyroux est un personnage qui ne supporte pas le poids des conventions et les petites hypocrisies de la bourgeoisie provinciale. Miller passe à côté de cela et livre un film justement très convenu et qui ne restera pas, c’est sûr, parmi ses plus grandes réussites. Ca ne nous fait pas oublier pour autant quel grand cinéaste il a été.
Benoît Thevenin
Thérèse Desqueyroux
Sortie française le 21 novembre 2012
Assez d’accord… Beau et bon film mais il lui manque un peu de chair et d’un souffle de liberté plus fort… 2/4