Le concept de Michel Gondry pour The We and the I est à la fois simple, original et tellement évident que l’on se demande comment personne n’y a pensé plus tôt. Certes on est pas très loin dans l’idée du Get on the bus de Spike Lee, huis clos à l’intérieur d’un bus, mais qui, contrairement au film de Gondry, propose assez peu de descentes du car. La force du concept de Gondry est là. Le bus est transformé en scène de théâtre et la dramaturgie s’organise au gré des entrées et sorties des personnages à chaque arrêt.
Le film s’inscrit dans une certaine continuité du travail créatif de Michel Gondry. Le cinéaste n’est pas seulement un artisan ne travaillant qu’avec des stars comme Jim Carrey, Jack Black, Seth Rogen ou Romain Duris. il s’implique aussi beaucoup auprès d’amateurs très à l’écart des sentiers balisés des systèmes de production classiques, notamment via son Usine de films amateurs installée pendant un mois au Centre Pompidou de Paris au printemps 2011 après avoir transité auparavant à New York et Rio de Janeiro.
Les comédiens de The We and the I sont tous des élèves d’un lycée du Bronx et le cinéaste s’inspire de leurs histoires personnelles. Gondry nous immerge auprès d’eux et partage tout de leur folie, leur mesquinerie, leurs angoisses, leurs rêves etc. Le titre The We and the I ne pouvait pas mieux correspondre à l’esprit du film, à la fois portrait d’un microcosme communautaire mais dans lequel se révèlent et s’expriment tous les égos.
Ce voyage est parfois éprouvant pour le spectateur de part le brouhaha permanent et l’énergie foisonnante, pour ne pas dire bordélique, de tous ces garnements. Ces gamins nous épuisent par leur comportement puéril, leur langage et la répétition des petits coups qu’ils font en douce et qui n’ont rien de fameux. Mais plus le film avance, plus ils se révèlent intimement et plus l’on s’attache à eux. Gondry capte quelque chose de singulier, un état d’esprit, un moment de vie précieux où l’innocence prévaut encore.
The We and the I porte finalement la voix d’une génération. Au bout du voyage on est tous récompensés et le tableau que constitue le film prend complètement forme. En même temps que le bus se vide, les derniers « rescapés » du voyage se retrouvent de plus en plus confrontés à eux même. La parole devient plus sincère, plus profonde, et émouvante. Ils baissent la garde et montrent mieux qui ils sont, des êtres vulnérables, imparfaits, pleins de contradictions et de doutes, agaçants parfois, mais qu’on a aimé accompagner.
Benoît Thevenin