Présenté en clôture de Cannes Classics en 2012, Final Cut constitue un merveilleux exercice. Orchestré par le cinéaste hongrois György Pálfi (Taxidermia) et produit par Béla Tarr, Final Cut propose un voyage singulier dans l’histoire du cinéma, parcourant près de 500 films très différents, de L’Ange Bleu à Avatar, pour nous offrir, en quelque sorte, le film de tous les films.
Pálfi et ses collaborateurs sont aller puiser dans les trésors du cinéma mondial. Tous les plans utilisés proviennent de films tous très célèbres et même emblématiques. Ce montage fait essentiellement la part belle au cinéma hollywoodien, le cinéma européen aussi mais dans une moindre mesure, et s’aventure et s’aventure en revanche beaucoup plus rarement dans les films du patrimoine asiatique. Cela dessine une sorte d’inclinaison cinéphile générale. Même s’il y a toujours eu des passionnés du septième art pour défricher les territoires des cinématographies les plus lointaines, la cinéphilie occidentale s’est longtemps concentrée quasi exclusivement autour des films des auteurs américains et européens.
Final Cut tend à démontrer presque que tous les films racontent la même histoire. Un homme rencontre une femme. C’est le coup de foudre. Ils vont au cinéma ensemble, dînent, et à la fin de la soirée, finissent par s’embrasser et font l’amour. Survient alors le troisième homme, le mari trompé. Ils se bagarrent et elle doit faire son choix entre les deux, préférant son amant. Le mariage arrive puis la lune de miel, c’est le temps du bonheur. Les jours, les mois, les années passent. La jalousie et les soupçons viennent perturber l’équilibre du couple. Elle tombe enceinte alors que lui est de plus en plus absent, qui passe ses journées au travail. Elle se sent triste et abandonnée. Le mari se met à douter de sa femme et la fait suivre. Elle a un amant ! Ils se disputent, il la gifle : c’est la fin de l’amour.
L’histoire se répèterait donc inlassablement, et c’est sans doute pour cela que le cinéma nous la raconte si souvent. Une alternative existe pourtant, qui constitue d’ailleurs la petite pirouette qui clôt Final Cut.
Le film est un plaisir de tous les instants. On se plait à reconnaitre le moindre film utilisé, le moindre acteur. György Pálfi juxtapose habilement, avec beaucoup de simplicité, des films très différents réussissant à intégrer toujours très naturellement, des plans de films comme Casablanca, Chinatown ou Amélie Poulain, aussi bien que d’autres moins évident provenant par exemple de 2001, l’odyssée de l’espace ou Les Indestructibles. On note aussi que certains films sont réutilisés plusieurs fois, notamment Macadam Cowboy, Dracula, Basic Instinct, Angel Heart, Titanic, Les Liaisons dangereuses etc.
Ce voyage cinéphilique, véritable déclaration d’amour au cinéma, rend compte également d’une réalité de ce que le cinéma a toujours véhiculé comme image et comme vision des rapports hommes/femmes. Le cinéma a longtemps été misogyne, avec des femmes qui ont presque toujours le mauvais rôle, sont fragiles, mentent et trompent. On remarque aussi que Final Cut fait l’impasse sur toute représentation où sous-entendu homosexuel, soit quelque chose qui a très longtemps été taboue et niée par le cinéma. Ce n’est pas un oubli mais la conséquence de ce que les films ont bien voulu nous offrir pendant des décennies entières.
Ce montage passionné, astucieux et jubilatoire qui concentre quasiment un siècle de cinéphilie populaire, montre peut-être malgré lui, que si le cinéma est un vecteur puissant d’émotions, il a souvent figé une représentation – à Hollywood et en Europe – très prude, très morale et même très catholique de la relation homme/femme.
Benoît Thevenin