Ils sont trois à jouer aux cons au volant d’une voiture dans un parking. Leur irresponsabilité est sanctionné plus tard dans les rues de Paris lorsqu’ils renversent un homme. De sa fenêtre, Juliette (Clotilde Hesme) a été témoin de la scène. Elle a vu Al (Raphaël Personnaz) sortir du véhicule, constater le mal qu’il a fait, et reprendre le volant sans porter secours à sa victime ni prévenir qui que ce soit. L’homme renversé est un immigré moldave sans-papier. Juliette se met en tête d’aider l’épouse de cet homme, Vera (Arta Dobroshi). Le lendemain du drame, à l’hôpital, Juliette reconnait Al, qui n’a pu s’empêcher de venir prendre discrètement des nouvelles de celui qu’il a laissé pour mort avec ses amis…
Avec Trois mondes, Catherine Corsini, la réalisatrice de La Nouvelle Eve (1998) et de Partir (2009) investit le registre du fait divers mais assez maladroitement et sans beaucoup d’originalité. Le pitch de départ est relativement anecditique et les trois mondes suggérés par le titre facilement identifiable. Il y a le monde d’Al, ex petit voyou qui, à la faveur d’un prochain mariage avec la fille (Adèle Haenel) de son patron concessionnaire auto, a réussi à monter en grade et obtenir une bonne place. Il y a Juliette, l’étudiante française au grand coeur, qui s’inquiète davantage du bien des autres que d’elle même. Et enfin, il y a la communauté moldave, en marge de la société mais dans laquelle chaque membre est solidaire vis à vis des siens.
Al, Juliette, Vera sont des gens simples, ordinaires, avec une conscience et des valeurs. Le récit s’articule autour de la confrontation entre les morales de ces différents personnages, dont aucun n’est foncièrement mauvais, mais qui doit faire face à une situation brusquement bouleversée. L’idée est intéressante sur le papier mais malheureusement, le film souffre d’un scénario trop balisé, trop didactique, où les intentions sont surlignées et les retournements de situations soit prévisibles soit ridicules. Le film bascule même dans le grotesque à partir du moment où le personnage de Juliette se jette dans les bras d’Al.
On est là plus proche d’un téléfilm classique avec ses très grosses ficelles, que d’un film de cinéma. Même la réalisation, convenue et sans idée, ne se distingue pas du format télévisuel. Finalement, ce sont les acteurs qui s’en tirent le mieux, Clotilde Hesme et Reda Kateb (qui joue l’un des amis d’Al) d’abord, mais surtout Arta Dobroshi, que l’on a grand plaisir à retrouver, quatre ans (déjà !) après Le Silence de Lorna des frères Dardenne (2008).
Benoît Thevenin