Six ans après le somptueux Little Odessa, James Gray effectue son retour avec ce film, tout aussi magistral que le précédent.
Si l’exposition de l’intrigue souffre de quelques longueurs, la déception s’atténue finalement bien vite et le film de se révéler un pur moment de cinéma, un pur moment de bonheur aussi. Une réalisation solide, sobre mais efficace, menée de maître par un homme certain de son talent mais qui n’abuse jamais d’effets pompeux ou prétentieux. James Gray se contente de composer des cadres qui sont de véritables tableaux, de parfaites œuvres d’arts. Le cinéaste instaure un climat oppressant et glauque magnifiée par une maîtrise de la photo extraordinaire et par une bande originale formidable qui colle parfaitement aux propos tenus dans et par l’image.
Toutes ces marques sont celles qui définissaient déjà le travail de James Gray sur Little Odessa. The Yards est ainsi marqué par l’empreinte de son remarquable auteur. Le film s’inscrit dans la lignée du précédent chef d’œuvre de Gray. Les deux films renferment effectivement de nombreux points de comparaisons : films de famille, deux fils dont le retour à la maison va précipiter la chute d’un système mafieux.
Après Vanessa Redgrave, c’est ici Ellen Burstyn (Requiem for a dream) qui compose le rôle de la mère. Ce rôle est des plus important dans les deux films. C’est en effet pour ses mères que les héros continuent de se battre jusqu’au bout, jusqu’au dénouement, tragique mais victorieux. De ce fait, comment peut-on justifier autrement le comportement adopté par le personnage de Marc Wahlberg ? Entraîiné contre sa propre volonté dans un système corrompu jusqu’à l’os, c’est pour celles qu’il aime qu’il ira jusqu’à sacrifier son image, qu’il ira jusqu’à confier à ceux qui l’ont trahi le soin de sa réhabilitation. La solution tragique devient dès lors essentielle quant au dénouement de cette histoire : c’est par la mort de celle qu’il aimait qu’il trahira consciemment ses frères, qu’il ‘enfreindra le code de la rue sans avoir à le regretter plus tard. Même si sa décision de prendre en main son destin intervient avant l’évènement tragique, c’est pourtant bien le malheur qui le convaincra de condamner ceux qui avaient cru résoudre l’affaire par l’argent.
Enfin, The Yards est un film somptueux pour ses acteurs. La qualité du casting (Joaquim Phoenix, Marc Wahlberg, Charlize Theron, Ellen Burstyn, Faye Dunaway, James Caan) n’a d’égal que leur niveau d’interprétation. James Gray, en plus d’être un surdoué de la caméra se révèle un parfait directeur d’acteur. Si en un seul film, il était difficile de consacrer James Gray, ce second impose sans peine la naissance d’un grand.
Benoît Thevenin, 2000.
The Yards
Sortie française le 1er novembre 2000