La Sirga, une auberge au milieu de nulle part, près de la lagune Tota en Colombie. Alicia frappe à la porte de l’endroit et se présente comme la nièce de l’occupant des lieux. La jeune femme est là car elle fuit la barbarie des hommes qui ont brûlé son village et massacré sa famille.
Le film a été présenté à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs en même temps que la Colombie revenait à la une de l’actualité avec la captivité du journaliste de France 24 Roméo Langlois, prisonnier des FARC dans la jungle. C’est dans ce contexte d’un pays miné de l’intérieur par ce conflit ouvert depuis des décennies entre l’Etat et les guerilleros révolutionnaires, que le film de William Vega prend place.
Le cinéaste a choisi de rester à distance de la guerre. La Sirga est une auberge perdue, en rénovation, et qui voit très peu de personnes passer, toujours des hommes. Alicia a trouvé refuge dans cet endroit à l’écart de la violence, paisible mais où une tension règne quand même de façon omniprésente. Elle est une jeune femme seule, repliée sur elle même et fragile. Elle est prisonnière du regard des hommes, à commencer par celui de son oncle.
La Sirga est un établissement délabré s’effondrant sur lui même et Alicia participe à sa réparation. Le lieu devient ainsi la métaphore, à la fois d’une Colombie qui cherche sans cesse à panser ses plaies et se relever, et de la voie de la reconstruction personnelle qu’Alicia emprunte aussi.
Le film est quasi mutique. Les personnages peinent à communiquer ensemble. La musique est également absente, sauf le temps d’une chanson que des visiteurs de passage pour une nuit, partagent au coin du feu ; une chanson qui révèle les souffrances du peuple colombien.
La Sirga est ainsi parsemé de symboles plus ou moins évidents. William Vega évoque un moment de transition, décrit une parenthèse dans la vie de son héroïne. Alicia trouve dans l’auberge l’espace pour son replis spirituel et pour son recueillement. Le film est un tableau sensible et abstrait de l’état de la Colombie aujourd’hui. Il est aussi le portrait troublant d’une héroïne à laquelle on ne s’attache pas de manière si évidente que cela, mais qui suscite quand même une réelle empathie tant on sait qu’elle va devoir affronter encore, sans doute, de nombreux grands bouleversements.
Benoît Thevenin