7 Jours à la Havane est clairement dans une mode née il y a quelques années avec Paris Je t’aime (2005), c’est-à-dire, un film à sketchs ayant pour sujet une ville et faisant appel à des réalisateurs prestigieux. Après Paris, nous avons eu droit à Tokyo (2008), New York (New York, I love you, 2010) et Rio est en préparation. Pourtant le résultat est souvent très inégal. C’est inhérent à la forme de ses films, proposant divers points de vue, styles et angles d’attaque. Il est quasiment impossible de ne pas préférer un segment à un autre et de ne pas trouver l’ensemble déséquilibré. 7 Jours à la Havane devrait constituer un nouveau maître étalon dans le genre du film à sketch sur une ville, voire du film à sketch tout court puisqu’il n’est absolument pas inégal, pas déséquilibré… tout y est absolument raté !
Rater un film c’est une chose, mais en rater sept d’un coup c’est quand même balaise. Tel est pourtant le triste constat qu’on se fait à la fin de cette longue projection. C’est vraiment effarant de voir que tous les réalisateurs sont passés totalement à côté du sujet (La Havane) et n’ont pas été capables de livrer ne serait-ce qu’un seul court-métrage sortant vraiment du lot d’un point de vue qualitatif.
Quitte à parler du film autant faire une mini-critique pour chacun des sept segments (un par jour).
Lundi de Benicio del Toro : Josh Hutcherson arrive à la Havane pour suivre un cours de cinéma. Il se fait emmener par son chauffeur en soirée et espère ne pas terminer la soirée tout seul. Il trouvera une jeune femme mais elle s’avérera différente de ce qu’il espérait. Totalement insultant envers les cubaines puisqu’elles se séparent en deux catégories : les putes et les travesties, le film est tout simplement consternant. On ne pouvait pas plus mal ouvrir le bal.
Mardi de Pablo Trapero : Emir Kusturica arrive à La Havane pour un festival de cinéma mais est complètement bourré tout le temps. Son chauffeur l’emmène faire une Jam Session où il s’avère être un grand trompettiste. Malgré une mise en scène inspirée de Trapero, le film fait totalement redite avec le premier et quand vient la fin, on réalise quand même que ça ne raconte pas grand-chose. C’est moins mauvais que le Benicio del Toro mais ce n’est toujours pas ça.
Mercredi de Julio Medem : Daniel Brühl veut recruter une chanteuse cubaine pour son cabaret en Espagne. Il en rencontre une dont il tombe follement amoureux. Alors là, attention ! On a affaire à une mégadaube. Involontairement autoparodique, le film est une espèce de soap à base de regards au ralenti, de dialogues ringardissimes et de musique immonde. Le court de la honte. On se demande quand même ce qui est arrivé à Julio Medem, réalisateur encore précieux il y a quelques années (Les Amants du Cercle Polaire, Lucia y el Sexo).
Jeudi d’Elia Suleiman : Elia Suleiman est à la Havane et s’emmerde. Nous aussi. Suleiman regarde les gens avec son regard triste emprunté à Buster Keaton et nous refait ce qu’il sait faire, un burlesque sans gag et là assez pénible. Il n’a rien à raconter et il parvient à être ennuyeux en environ 45 secondes. Ca, ce n’est pas loin d’être un record.
Vendredi de Gaspar Noé : Une jeune lesbienne est emmenée par sa famille se faire exorciser. Noé fait du Noé (mais pas de stroboscopes cette fois, ouf). Son court est plutôt un clip censé mettre mal à l’aise avec ses lourdes percussions et son gourou menaçant. Mais une fois de plus on ne comprend pas très bien ce que ça raconte ou ce que ça cherche à raconter. Très peu intéressant.
Samedi de Juan Caros Tabio : Une femme doit réaliser des gâteaux pour 18h mais elle a plein de désagréments (coupure de courant, manque d’oeufs…). Réalisateur de Fresa y Chocolate Tabio nous refait sa comédie culinaire mais à la manière d’un soap, très mal joué et sans humour.
Dimanche de Laurent Cantet : Une vieille femme appelle tout son immeuble car la Vierge lui est apparu pendant la nuit et lui a demandé de lui faire un piédéstal au milieu de son appartement et de lui faire la plus grande fête possible. Heureusement le dernier film est le meilleur et de très loin parce qu’enfin on a un peu le sentiment de partager la vie des autochtones, de pénétrer leur communauté. De voir leur incroyable solidarité malgré la précarité et la pauvreté et leur sens de la débrouillardise. Et puis le personnage de la vieille dame est savoureux et amusant.
Au final on n’échappe pas à la catastrophe. Tout y est raté de A à Z. On a un peu la désagréable impression que réalisateurs et acteurs se sont fait payer un séjour à Cuba et qu’entre deux Daiquiri ils ont tourné un film sans inspiration et surtout sans avoir rien compris à la ville dans laquelle ils sont. L’idée déjà de faire intervenir des acteurs étrangers (certainement une obligation pour pouvoir financer le film) est très mauvaise et fait dévier la majorité des courts du sujet initial, La Havane et les gens qui la peuplent.
Et puis la forme ne fonctionne pas du tout, les courts sont tous beaucoup trop longs (environ 20 minutes). Il y a un effet répétitif ultra pénible qui rend la séance interminable. Et le fait qu’aucun des auteurs ne soient vraiment allés dans un genre particulier (la comédie par exemple) donne un sentiment finale de totale platitude. C’est probablement le pire échec du film.
Il vaut mieux revoir le magnifique film d’animation Chico et Rita sorti l’année dernière et qui célébrait Cuba avec une féérie de couleurs et de musique incroyables qui le rendait inoubliable. Contrairement à ce projet catastrophique qui, on l’espère, aura vite fait de se faire oublier.
Gregory Audermatte
7 jours à la Havane
Sortie française le 30 mai 2012