Blanche-Neige et le chasseur (Snow white and the Huntsman) de Rupert Sanders (2012)

A Hollywood il y a des tendances sur lesquels les studios s’empressent de sauter avant qu’on soit déjà passé à la suivante. Aujourd’hui ce sont les films inspirés de contes pour enfants. Pas n’importe lesquels mais bien évidemment les plus connus, ceux sur lesquels il est facile de capitaliser sur le titre, notamment ceux déjà adaptés en animation par Disney. Cela a commencé avec le Alice de Tim Burton et s’est poursuivi, avec notamment une relecture moderne de la Belle et à la Bête (Beastly avec Vannessa Hudgens en 2011 et avant la version de Christophe Gans) en attendant une nouvelle version de Pinocchio (produite par Guillermo del Toro). Des rumeurs  circulent concernant Le Bossu de Notre Dame et Cendrillon. On peut également citer la série américaine Once Upon a Time, peu connue en France mais qui amène divers éléments des contes de fée dans le monde moderne. Il y a donc actuellement une vraie vague et bien sûr Blanche-Neige n’est pas oubliée ! Deux projets ont même vu le jour simultanément, le premier réalisé par Tarsem Singh – avec Julia Roberts dans le rôle de la reine – intitulé très simplement Blanche Neige (Mirror, Mirror en VO) et le second, celui qui nous intéresse, réalisé par le nouveau venu Rupert Sanders avec Charlize Theron en reine maléfique et Kristen Stewart en pieuse Blanche-Neige.

On se retrouve donc dans la même situation ubuesque que celle qu’on a vécu en septembre dernier avec nos deux Guerres des Boutons. Pas évident de s’y retrouver pour les spectateurs. A la différence près que l’approche à été, dès les premiers éléments marketing, très différente d’un film à l’autre. Alors que Mirror, Mirror allait ouvertement vers la comédie et un ton on ne peut plus léger, Blanche Neige et le chasseur nous présentait un conte plus sombre, lorgnant sans vergogne vers l’heroic fantasy, notamment à travers la surprenante image d’une Blanche-Neige revêtue d’une armure.

A la vision du film, force est de constater que Rupert Sanders cherche à proposer quelque chose de relativement neuf, en essayant en effet de raconter l’histoire de Blanche-Neige à travers un squelette narratif plus volontiers emprunté aux récits chevaleresques d’heroic fantasy. Ici Blanche-Neige n’est plus une naïve jeune femme recueillie par de gentils nains pour y faire le ménage et y préparer le dîner pendant qu’ils vont travailler.  Non, ici elle est une fugitive du Royaume, pourchassée à tous prix par la Reine. L’ajout le plus notable par rapport au conte original des frères Grimm et au film de Disney est le personnage du Chasseur. Engagé par la Reine pour capturer Blanche-Neige il va très rapidement se retourner contre son employeur et protéger la jeune femme. Les Nains ne sont plus de joyeux drilles mais plutôt les derniers représentants de leur espèce, vivant de manière nomade et essayent de survivre comme ils peuvent dans la nostalgie d’une époque révolue.

Rupert Sanders, dont c’est le premier long-métrage, vient du domaine de la pub où il a exercé pour de grandes marques comme Nike ou Microsoft. On reconnaît parfaitement dans sa mise en scène cette sensibilité publicitaire. Elle lui permet de très belles images, des choses graphiquement superbes mais, malheureusement, il a beaucoup plus de difficultés à construire une scène et à la considérer dans son ensemble. Le résultat est un film visuellement étrangement déséquilibré, qui fonctionne par petites touches, petites idées, mais qui échoue en même temps à développer une vraie dramaturgie. Car c’est là que le bât blesse le plus. Rupert Sanders veut trop en raconter et en un film d’à peine plus de deux heures. Il y a trop de sacrifices fait sur l’évolution des personnages, sur leurs relations (dont un triangle amoureux totalement inutile et raté) et même sur l’univers que le film déploie, bizarrement trop condensé et assez peu crédible. Les ellipses apparaissent comme des facilités scénaristiques et au final l’émotion n’a pas vraiment le temps de s’installer. Du même coup, certains moments clés du conte sont traités par-dessus la jambe et Rupert Sanders ne parvient pas à leur insuffler leur fondamentale importance pour l’organisation du récit. Par exemple, la scène où Blanche-Neige se réveille paraît totalement ratée parce que l’on sent que le réalisateur a voulu développer un certain aspect du film, en délaissant d’autres, ce qui entraîne une fois de plus un déséquilibre préjudiciable.

Cependant le film est loin d’être désagréable. Une fois accepté ce postulat où l’on revisite le conte de Blanche-Neige, on peut même y prendre un certain plaisir. Le personnage de la Reine, incarnée par une Charlize Theron parfaite, est sans doute le plus réussi. Elle a été humanisée un peu, avec un semblant de background qui n’est pas négligeable. Toute l’imagerie qui se déploie autour d’elle est parmi ce qu’il y a de plus réussi dans le film (notamment le miroir), même si ça ne manquera pas de rappeler aux esprits taquins la publicité Dior dans laquelle s’illustrait déjà l’actrice. Au-delà de ça, il y a ce sentiment joyeux de retrouver ce genre de l’heroic fantasy, finalement assez rare au cinéma. Ici, rien de vraiment nouveau (des nains, des trolls, des chevaliers) mais c’est toujours agréable que d’être plongé dans un univers nouveau et fantastique où l’on ne sait pas à quoi va ressembler la forêt qui se cache derrière l’arbre. Malheureusement le film est un peu empesé de ses références. Que ce soit bien sûr Le Seigneur des Anneaux, ou Legend de Ridley Scott, c’est trop évident et il est dommage que la plus belle scène du film soit un quasi plagiat de Princesse Mononoke.

On se réjouit quand même de cette relecture aux accents féministes qui tranche d’ailleurs avec la supposée misogynie du conte originale  (où Blanche-Neige s’occupe du ménage, du repas et du lavage des vêtements dans la maison des Nains). Ici Blanche-Neige a une vraie personnalité de frondeuse que rien n’arrêtera. Interprétée par une Kirsten Stewart égale à elle-même, c’est-à-dire peu expressive et dans un mélange de grâce et de dédain, le personnage aurait mérité beaucoup plus mais en restera à une définition au hachoir. Dommage. Face à elle se démarquent surtout les Nains drôles et touchants et incarnés par une troupe enthousiasmante (Bob Hoskins, Nick Frost, Ian Mc Shane, Ray Winstone…).

La saison des blockbusters est donc lancée avec cet essai certes très imparfait mais agréable et plutôt flatteur pour la rétine même s’il ne laissera à personne un souvenir impérissable. La plus mauvaise idée finalement, c’est cette rumeur d’une suite à laquelle songerait déjà Universal. Alors ce coup-ci les frères Grimm ne seront plus de la partie et il va falloir se débrouiller sans eux…

Grégory Audermatte

Blanche-Neige et le chasseur ***

Sortie française le 13 juin 2012

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2 commentaires sur “Blanche-Neige et le chasseur (Snow white and the Huntsman) de Rupert Sanders (2012)”

  1. selenie dit :

    Effectivement imparfait. Manque de souffle épique et une Blanche Neige inexpressive… 2/4

  2. beaufbeauf dit :

    Ces critiques tres profesionnelles semblent vraies, mais on peut contredire. Le triangle amoureux, on ne s’y attarde pas car y a pas lieu de s’y attarder, la cendrillon moderne n’a pas besoin d’un chevalier la sauvant, ce qui compte d’abord, c’est le politique

    Peu expressive ? perso, j’ai beaucoup aimé quand , sans rien dire, elle voit le chasseur, avant d’aller attaquer, avec les yeux de celles qui sait que c’est Lui.

    J’ai beaucoup aimé. Ce blabla est sans doute vrai mais vous oubliez la mission essentielle du cinema, c’est comme la cuisine, sortie d’un laboratoire agro alimentaire , elle ressemble à rien mais pourtant scientifiquement recherchée, mais à la la louche, dans de vieilles casseroles, avec ce qu’il y a sous la main, c’est excellent

    Je rejoins sur un point, la beauté des images, je pense que j’y retournerai pour ca

    Les leçon à tirer, le dernier conte cendrillon , ou meme madagascar, j’aime beaucoup les analyses en filigrannes qui sont données, c’est tres politique sans en avoir l’air.

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