Quasiment 45 ans de carrière et presque autant de films, Woody Allen méritait bien que l’on fasse un petit peu le point sur sa carrière et son immense parcours.
Robert Weide évolue parmi les proches de Woody Allen. Il est notamment l’un des réalisateurs de la sitcom Larry et son nombril avec Larry David, comédien de stand up avant tout, mais un compagnon de route de Woody Allen depuis presque toujours. Ce dernier a d’ailleurs fini par lui confier le premier rôle de son enthousiasmant Whatever works en 2009.
Le documentaire en lui même n’a rien de fameux. Le dispositif est on ne peut plus convenu, se réduisant très simplement à une succession de témoignages tous bienveillants et illustrés par des extraits des films de Woody Allen. Le film salue le génie comique d’Allen, ce que nul ne conteste, et surtout pas ici.
Robert Weide raconte l’histoire de Woody Allen de ses débuts et jusqu’à la sortie de Minuit à Paris (2011). Le spectre est donc très large mais Weide consacre plus d’attention aux débuts de Woody Allen. Il raconte comment Woody Allen s’est d’abord fait remarquer en écrivant des sketchs, avant de monter sur scène pour des spectacles de stand up à New York. Ses débuts au cinéma interviennent avec What’s new pussycat ?, mis en scène par Clive Donner en 1965 d’après son scénario. Woody Allen, qui joue aussi un petit rôle dans le film, raconte qu’il a été très déçu de voir son scénario massacré par les producteurs. De là il a décidé que dès lors il réaliserait lui même ses propres scénarii, afin de toujours tout maîtriser.
Woody Allen réalise son premier long-métrage, Prends l’oseille et tire toi en 1969. Le film est un succès et il enchaine avec – notamment – Bananas (1971), Woody et les robots (1973) et Guerre et amour (1975), autant de comédies pures, entre pastiche et burlesque. Woody Allen considère que ces films là ne volent pas bien haut et qu’avec ses films il s’est autorisé à faire n’importe quoi. Woody Allen passe alors aux choses sérieuses et commence à dépeindre les émotions adultes avec Annie Hall (1977), pour lequel il dirige Diane Keaton, laquelle est tombée amoureuse de Woody dès leur première rencontre. Le cinéaste surprend son public qui se détourne un petit peu de ses films. Il obtient en contrepartie la reconnaissance artistique, par la critique et l’Académie des Oscars. La consécration arrive deux ans plus tard avec Manhattan (1979), et l’heure de la remise en question immédiatement après avec Stardust Memories, son film alors le plus incompris et le moins aimé (1980).
Robert Weide passe ainsi en revue, chronologiquement, quasiment toute la filmographie de Woody Allen. Les témoignages sont ceux de ses comédiens, des ses producteurs, de critiques US. Tous font l’éloge de Woody Allen d’une manière ou d’une autre et racontent des anecdotes plus ou moins intéressantes sur les tournages. Le documentaire ne s’attarde en revanche pas trop sur les autres aspects de la vie de Woody Allen, notamment ses différentes relations amoureuses et mariages. Son premier mariage n’est pas évoqué. Louise Lasser, sa seconde épouse, raconte qu’elle pensait épouser un homme drôle mais qu’elle s’est vite ennuyée à ses côtés, et Diane Keaton détaille le coup de foudre qu’elle a eu pour lui. Le film n’oublie pas ses douze ans de vie commune avec Mia Farrow, mais passe très rapidement sur l’épisode de leur rupture lorsque Mia découvre la relation que le cinéaste entretient avec la fille adoptive de Mia, Soon-yi Previn. Woody Allen éteint la polémique très simplement : les gens ont le droit de juger sa vie privée, il est d’accord avec cela, et s’ils décident de ne plus vouloir voir ses films, il l’accepte.
Le film qu’offre Robert Weide reste ainsi très superficiel et bienveillant. On savoure quand même les blagues toujours très inspirées de Woody Allen, son sens de la répartie, le plaisir des séquences issues de ces films et généralement bien choisies. Ce n’est pas le documentaire ultime sur Woody Allen, c’est certain, mais le cinéaste a encore tellement à donner que le temps n’est tout simplement pas encore venu de réaliser son portrait définitif. La grande hantise de Woody Allen reste toujours de mourir. Il estime d’ailleurs que le déclic est intervenu chez lui quand il a prit conscience à ses débuts de sa mortalité. Woody Allen ne veut pas jouer ce jeux là, à tel point qu’il tourne constamment la mort en dérision dans ces films. Celle-ci ne semble pas prête de le rattraper. Ses parents ont été chacun centenaire ou presque, il a donc de bon gènes, et il mène en plus une vie saine. Il l’assure en tout cas, il continuera de tourner quoiqu’il arrive et jusqu’à ce qu’on l’en empêche. Tant mieux, car si il y a une chose sur laquelle on est d’accord avec le film, c’est la singularité de Woody Allen, qui fait que même lorsque ces films sont ratés, il y a toujours ce petit quelque chose qui lui appartient qui fait qu’il n’est jamais vain de les découvrir.
Benoît Thevenin