Journal de France de Claudine Nougaret et Raymond Depardon (2012)

Journal de France

Journal de France fait écho à l’exposition La France de Raymond Depardon accueillie par la Bibliothèque Nationale de France pendant l’hiver 2010. A travers les 36 clichés que contenait l’exposition, Depardon offrait à voir la France rurale, celle ces cafés, des petits commerçants des sous-préfectures. Ce sont ses mêmes routes et ces mêmes endroits que le cinéaste-photographe continue d’arpenter dans Journal de France. 

Dans ses films, Raymond Depardon est placé hors champs. Il observe et écoute. Dans Journal de France, la place de Raymond Depardon change. Il se situe cette fois entre la caméra et son appareil photo, et devient le sujet de son film.

Pendant qu’il photographie seul à la chambre 20×25 le territoire rural français, son épouse Claudine Nougaret, ingénieur du son sur ses films, reste à la maison et exhume de la cave les bobines gardées précieusement par son mari depuis ses débuts. Raymond Depardon. Le film propose alors un triple voyage : celui de Raymond Depardon sur les routes de France aujourd’hui, mais aussi un voyage dans la France d’hier et un voyage aux confins de la mémoire de Raymond Depardon.

Raymond Depardon a commencé de photographier et filmer les français dans les années 60. Co-fondateur de l’Agence Gamma en 1967, il est ensuite  parti en reportage à travers le monde, dans les colonies françaises et dans les endroits où il y a avait des conflits. De la Palestine au Nigeria, du Venezuela au Tchad ou au Yemen, Depardon s’est toujours attaché à saisir la réalité du monde.

Chacune de ses images est captivante mais toutes sont passionnantes aussi de part leur caractère rare et inédit. On assiste à des moments incroyables, comme ses mercenaires français pendant le conflit au Biafra qui confient leur passion pour la guerre. On découvre ainsi une facette méconnue du travail de Depardon, mais dans laquelle on trouve en gestation tout ce qui caractérisera ses films ensuite, cette capacité d’écoute qui lui permet d’obtenir les témoignages les plus authentiques.

Journal de France permet de revisiter en partie le travail de cinéaste de Depardon, avec des séquences entières issues de notamment d’Urgences (1988), Délits flagrants (1994), 1974, Partie de campagne (2002), 10e chambre, instants d’audience (2004). Ces séquences là sont connues pour la plupart, mais mêmes indépendamment des films dont elles sont extraites, elles conservent une puissance propre. Le film contient d’autres moments magnifiques, comme ces images racontant la rencontre entre Raymond et Claudine.

Derrière chacune de ses séquences, ce sont des hommes et des femmes qui se révèlent, qui surgissent de la foule et laissent entendre leur voix, leur singularité, leur personnalité. Ainsi, Depardon ne cartographie pas seulement le territoire, mais aussi les sentiments et les comportements humains.

Ce film de Depardon, composé uniquement d’images d’hier et d’aujourd’hui de Depardon, a ceci de particulier que c’est Claudine Nougaret qui est là à la manoeuvre. Par son commentaire et les images qu’elle livre, elle offre un portrait intime de l’homme qu’elle aime, mais tout en retenue et qui préserve l’humilité qui le caractérise.

Le film offre une magnifique errance dans les films de Depardon. Les images sont souvent belles, parfois sublimes mêmes. Depardon prend autant de soin à cadrer ses images qu’a respecter la parole de celui qui se livre face à lui. Chez Depardon plus qu’ailleurs, la caméra se substitue à l’homme. Elle se promène, observe les personnes, cherchent leur regard et offre son attention à celui qui veut se livrer.

On savoure chacun des moments du film, on apprécie la valeur du travail de Depardon, on est séduit par l’homme et sa démarche d’artisan, mais le film ne donne finalement pas beaucoup plus qu’une compilation des meilleurs scènes qu’il a enregistrées. C’est toute la limite du projet. Reste ce sentiment agréable de faire face à une oeuvre précieuse, riche et importante dont Journal de France ne révèle qu’un aperçu. Le mieux, bien sûr, est d’aller plonger, les uns après les autres, dans tous ses films. Ca reste le meilleur moyen pour apprécier véritablement toute leur valeur

Benoît Thevenin

Journal de France ***

Sortie française le 13 juin 2012

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