On commence à connaître Sasha Baron Cohen. Un humour très trash et sans limite ayant pour but principal de choquer. Ce faisant, il incite malgré tout à une réflexion sur l’état de notre société et plus particulièrement sur la société américaine. C’est en tout cas en substance ce que l’on peut retenir de Borat et Brüno ses deux comédies, déjà réalisées par Larry Charles, prenant la forme documentaire. Alors, lorsque l’on a appris que dans son nouveau film il allait jouer un dictateur d’un pays arabe en visiste aux Etats-Unis, on a ouvert grand nos yeux et mis nos mains devant nos bouches en prévisions des horreurs forcément hilarantes qu’il allait déverser tant le personnage du dictateur représente sans doute l’icône la plus subversive qui soit.
Première déception, le film ne sera pas un documentaire à la Borat mais une fiction plus traditionnelle. S’il est évident que dans Borat et Brüno certaines scènes n’ont de documentaires que le nom, il y a de vrais moments où, en confrontant un personnage extrême à un public non averti, le résultat est à la base même des moments les plus drôles et les plus choquants des films. C’est cet aspect caméra caché de Borat qui se masturbe en pleine rue ou qui défèque sur la voie publique qui le rend si drôle, et c’est les réactions totalement naturelles de parents carriéristes qui s’apprêtent à faire poser leurs bébés en tenue de SS qui donnent à Brüno aussi ces moments hallucinants. Alors revenir à une pure fiction risque sans doute d’annihiler quelque peu toute la charge humoristique du film qui du coup ne va pas pouvoir se baser sur le choc face au public. Baron Cohen avait déjà tenté ce genre de comédie avec son premier film, Ali G (réalisé par Mark Mylod) qui était l’adaptation de son personnage de rappeur gangster caricatural qu’il avait popularisé à la télévision anglaise. Le résultat, tout en étant une sympathique parodie des us et coutumes du monde du hip hop, reste quand même très loin de la subversion de Borat. C’est une comédie beaucoup plus banale qui d’ailleurs a eu très peu de succès hors de l’Angleterre.
Malheureusement, force est de constater que ce format-là entrave la verve de l’humoriste qui se retrouve bloqué à pratiquer un humour répétitif basé sur un champ lexical unique (celui de la torture et des exécutions). Car comme les titres de ses films en témoignent, Sasha Baron Cohen est très doué pour créer un personnage simple et unidimensionnel (journaliste kazakh, journaliste autrichien homosexuel et nazi, dictateur donc) et pour en extraire le pire, et pousser dans les extrêmes sans aucune limite les caractéristiques de son rang. Et si cet humour subversif et noir est déjà drôle en soi, ce qui l’est encore plus ce sont les réactions que le personnage suscite. C’est vraiment dans l’espace qui existe entre son personnage et la réalité que Sasha Baron Cohen avait trouvé une véritable voix novatrice dans l’humour et que Borat a si bien fonctionné. Mais le dictateur de The Dictator n’est confronté qu’à des personnages de fictions, et l’entendre répéter les pires horreurs sur la même ligne durant tout le film, devient rapidement redondant. D’autant qu’à cela s’ajoute l’arc narratif caricatural du riche devenu pauvre et à qui tout semble dû. Une nouvelle fois, cela tombe un peu à l’eau par manque d’originalité et de punch.
On réalise très bien ce qu’on a perdu en route devant The Dictator. En voulant écrire un pur scénario de comédie Baron Cohen s’est fourvoyé dans un récit extrêmement faible et une construction beaucoup trop clichée pour convaincre. Pourtant en s’inspirant du Dictateur de Chaplin il avait de quoi nous surprendre mais non, l’écriture se fait très paresseuse. Et même si l’on sent une pointe d’ironie parodique derrière les différentes étapes du film, cela ne convainc pas et l’on se désintéresse assez rapidement du destin du général Aladeen, dictateur déchu. En se focalisant sur son unique personnage principal, Baron Cohen a un peu oublié de faire exister les autres éléments de son film, à l’image du personnage sans intérêt d’Anna Faris et des péripéties improbables du scénario.
Il reste malgré cela quelques scènes ou répliques qui font mouches, car Sasha Baron Cohen sait aller jusqu’au bout d’une bonne blague d’humour noir ou du trash de certaines scènes. Mais une fois que l’on a compris son système, on finit quand même par s’ennuyer un petit peu en regrettant les débordements de Borat et Brüno, des comédies imparfaites aussi, mais qui avaient au moins pour elles une certaine originalité et une personnalité unique. Car c’est bien cela le plus dommage dans The Dictator, c’est la sensation de voir une comédie totalement banale qui sera oubliée bien vite.
Grégory Audermatte
The Dictator
Sortie française le 20 juin 2012
Un des 3 films où j’ai le plus rit en 2012 ! J’ai beaucoup aimé. Après « Borat » c’est son meilleur film… 3/4
Je suis d’accord avec ton analyse Borat et Bruno me semble plus réussi, plus percutant et plus original.
Maintenant je ne partage pas complètement ta conclusion. J’ai associe The Dictator comme une critique du dirigeant Kadhafi en Lybie. La référence de Chaplin se résume surtout au titre en commun.
Oui ça aurait pu être meilleur c’est dommage mais ça le mérite d’exister et d’être sorti au bon moment.