Hold-up (Nokas) de Erik Skjoldbjaerg (2010)

On connaît le norvégien Erik Skjoldbjærg pour son film Insomnia avec Stellan Skarsgård, réalisé en 1997 et qui est à l’origine du remake homonyme par Christopher Nolan. Depuis, il a eu l’opportunité de faire son trou à Hollywood en réalisant Prozac Nation (2001), un film resté inédit en France, avant de retourner travailler en Norvège au cinéma et à la télévision. C’est donc une bonne nouvelle que de le retrouver dans nos salles de cinéma avec l’adaptation de ce fait divers très connu en dans son pays. Le matin du 5 avril 2004, la ville de Stavanger dans le sud-ouest de la Norvège, a été la victime d’un braquage sans précédent. 11 hommes vêtus de tenues paramilitaires ont attaqués une banque et pris un butin de plus de 50 millions de couronnes (environ 7 Millions d’euros).

Le film se concentre sur cet évènement et prétend en relater le déroulement avec la plus exacte précision. Il est d’ailleurs indiqué au début du film que le scénario est basé sur les différents témoignages ayant été recueilli que ce soit par les passants, les employés de banque, de la police ou les braqueurs eux-mêmes (dont certains ont été arrêtés par la suite). Cette démarche est cependant assez banale dans le cadre d’une œuvre basée sur un fait divers, mais ce qui distingue Hold Up de films similaires c’est que justement Skjoldbjærg se limite exclusivement à cela. Le film est construit en un montage parallèle des différents témoignages, et ne s’en dévie jamais. Le cinéaste s’est interdit la fiction, le colmatage, la broderie autour des personnages et des événements. Rien de tout ça ici, Erik Skjoldbjaerg se contente de compiler les faits, de décrire avec la plus précise exactitude le déroulement des opérations (aidé par des indications de temps à l’image). Le film est intégralement circonscris à l’évènement, sans aucune scène avant ou après.

Le résultat est une œuvre âpre, épurée et faussement austère. Ce qui la rend significativement plus singulière que n’importe quel autre film sur le sujet, c’est cette approche antispectaculaire pour un sujet qui pourtant l’est à priori. Dans sa première partie, le film est très bavard et potentiellement ennuyeux, mais c’est là que la démarche prend tout son sens.  En collant au maximum aux événements, sans jamais rentrer dans un suspense artificiel, la pression monte progressivement et implique  petit à petit le spectateur le braquage et ses circonvolutions. Les faits suffisent amplement à faire naître cette tension, à faire ressentir le danger auquel les protagonistes se confrontent, et à développer des enjeux fondamentalement basiques (survivre, s’échapper, arrêter les braqueurs). Le récit est traité de façon naturaliste mais cela n’empêche absolument pas le cinéaste de proposer de vrais choix de mise-en-scène. Erik Skjoldbjaerg filme en caméra portée, reste  très proche des personnages jusqu’à les asphyxier. Le style rappelle comme ça Paul Greengrass (sans le montage hystérique) et se permet quelques effets plus typés cinéma de genre, très discrets, mais qui ressortent immédiatement dans la brutalité de l’ensemble (quelques beaux ralentis, plans de douilles s’échappant de la chambre d’un fusil etc…),  le tout avec un mixage sonore extrêmement précis.

Mais là où le film finalement surprend le plus, c’est lorsque lors d’un plan final très long où l’on voit le théâtre du braquage depuis l’intérieur d’un bus. Skjoldbjaerg déplace brutalement le sujet principal. Soudain ce qui compte n’est plus tellement la mise en place d’une opération, ni l’action de la police, mais tout simplement les conséquences humaines du fait-divers. On se dit alors que le cinéaste norvégien a simplement tout compris. Son film, pas très aimable à première vue, s’avère être en réalité une mini réinvention du film de braquage, un film  qui dépasse l’exercice de style dans lequel il pouvait paraitre enfermé, et qui a parfaitement sa place parmi les grandes réussites du genre.

Grégory Audermatte

Hold-Up ****

Sortie française le 15 août 2012

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Un commentaire sur “Hold-up (Nokas) de Erik Skjoldbjaerg (2010)”

  1. selenie dit :

    J’ai adoré… Aussi efficace que réaliste sauf pour un point ; il est extrêmement difficile de croire à des flics autant dans le self-control (pas de véritable stress, pas de sueur, pas de panique réelle…). Mais ça reste un des meilleurs polars de l’année… 3/4

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