Clairement inspiré de l’affaire Natasha Kampusch, ce premier film relate l’enfermement apparemment sans raison d’une jeune fille par un mystérieux ravisseur et durant plusieurs années. Se divisant en deux parties qui s’alternent constamment – les moments de captivité et l’après, une fois la jeune fille libérée, Gaëlle, et comment elle réapprend à vivre – la construction est passionnante mêlant en un même mouvement le mal et ses conséquences.
L’approche de Fréderic Videau est anti pathos au possible, anti psychologisante, et consiste la plupart du temps à l’observation froide et distante de la situation. Ceci n’empêche pas le film d’être relativement touchant, surtout dans l’évolution de la relation entre l’agresseur et l’agressée, suivant rapidement le schéma d’un couple ordinaire avec ses habitudes, ses engueulades et ses réconciliations. En l’occurrence, le « couple » que forme Vincent (Reda Kateb) et Gaëlle (Agathe Bonitzer) est malade. Lorsqu’un invité vient dîner, Vincent doit attacher et bâillonner sa « compagne » pour ne pas qu’elle soit découverte. C’est dans cette relation là, étrange et inconfortable, que le film est le plus réussi, dans cet amour dégénéré et inexpliqué d’un homme pour une jeune femme, car il l’aime c’est indéniable. Le personnage de Vincent veille au bien être de sa captive et prend soin d’elle comme d’un petit animal de compagnie en cage à tel point qu’il en devient presque attachant pour le spectateur.
L’autre partie, celle où Gaëlle retrouve ses parents, est plus ratée et superficielle. Le personnage de la psychanalyste est sans intérêt. L’écriture est plus lâche. Par exemple, le personnage de la mère (Noémie Lvovsky) qui disparaît mystérieusement à mi film. Le refus du pathos donne assez peu de crédibilité à la relation aux parents où, malgré plusieurs années de disparition, les retrouvailles se font sans effusions de joie particulière. Ce choix est peut-être dommageable pour le film. Il en découle un défaut d’identification, et un manque d’empathie pour Gaëlle. Frédéric Videau propose des petites choses intéressantes, notamment sur la question de la réadaptation à la vie sociale après 8 ans de captivité, mais malheureusement, ce n’est finalement que peu exploité.
Il faut aussi dire que la direction d’acteurs est probablement l’aspect du film le plus faible. Agathe Bonitzer a un jeu très particulier, très froid et monolithique et son personnage est totalement antipathique. Reda Kateb qui est un acteur avec un fort potentiel n’est pas non plus très à l’aise dans ce rôle de bourreau gentil. Heureusement l’excellent Florent Marchet, connu jusqu’alors pour ses album de chansons et dont il s’agit de sa première expérience pour le cinéma) nous gratifie d’une superbe BO, absolument magnifique, puissante et emphatique qui est comme le reflet paradoxal et contradictoire d’un film très froid et presque austère. Le DVD propose d’ailleurs un reportage passionnant de 25 minutes sur l’enregistrement de la bande originale.
Grégory Audermatte
A moi seule
Sortie française le 4 avril 2012