The Sessions de Ben Lewin (2012)

Les raisons de craindre, de fuir même, un film comme The Sessions ne manquent pas, et pourtant, plus que toutes les fois où on a déjà pu le dire pour des métrages en apparence plus évident, il faut aller à l’encontre de ses préjugés.

La source du film est un article du journaliste Mark O’Brien, victime de la Polio, paralysé sur son lit, et qui respire grâce à une machine artificielle, une sorte de sarcophage en fer à l’intérieur duquel il dort la nuit. Dans un article, Mark O’Brien a raconté comment il a été initié sexuellement, comment il est tombé amoureux aussi.

Dans l’imaginaire collectif du monde des valides, l’idée qu’un homme lourdement handicapé, entièrement dépendant de personnes pour l’assister à chaque instant de sa vie, puisse envisager avoir une vie sexuelle parait peut-être incongrue. Et pourtant, au nom de quoi la notion de plaisir serait inaccessible à ces personnes ? Dans les faits, c’est sans doute majoritairement le cas. Le film de Ben Lewin, va contre cette idée, déjà parce qu’aux Etats-Unis, le métier de thérapeute sexuel existe, mais surtout parce que le personnage de Mark est hors du commun.

Mark est bien sûr conscient de la difficulté de son choix, est assailli de doutes et d’appréhensions bien légitimes, mais il affiche aussi une détermination assez exceptionnelle et nourrie par une douleur sentimentale qui l’a humilié et qu’il décide d’affronter.

The Sessions est un film précieux car il évite très brillamment les pièges dans lesquels on pourrait s’attendre à ce que le film tombe et qui sont les vraies raisons pour lesquels un tel film pourrait effrayer à priori le spectateur pas ou peu renseigné. Il est précieux car il ne verse jamais dans le misérabilisme, l’apitoiement, le glauque, ou le mélodrame à grosses ficelles ; ni dans l’onirisme à la Mar Adentro que l’on connait déjà.

Sa valeur, The Sessions la doit à une écriture impeccable. Les personnages ont chacun une personnalité complexe et riche, la progression narrative se fait naturellement, avec beaucoup de douceur et une sensibilité simple et juste, sans aucun excès. L’histoire a des allures de conte de fée, certes, mais le film va bien au delà de ça. C’est un film humble, qui ne juge ni ne moque personne, qui présente des situations difficiles sans les charger d’émotions inutiles. The Sessions n’a rien de politique ou de revendicatif non plus. En revanche, à travers la situation de Mark, par le regard que ceux qui l’entourent successivement portent sur lui, le film ouvre à une prise de conscience inédite de la situation dont les handicapés sont affectés malgré eux et fait réfléchir.

Par son apprentissage sexuel, Mark découvre son corps et se construit en même temps une personnalité qui était jusqu’alors étouffée sous le poids des conventions morales d’une société qui ne prend pas en compte toutes les souffrances des personnes handicapées, qui en nient même une large partie. Le film donne ainsi les clés pour mieux apprécier une situation somme toute extrême mais contre laquelle personne ne peut jurer qu’il en est ad vitam prémunis. Surtout, et c’est à cela que le film est une superbe réussite, d’une certaine manière on oublie presque le handicap dont est victime Mark. Le personnage est traité à égalité avec les autres en pleine possession de leur moyens, sur tous les plans. The Sessions est d’abord l’histoire d’une rencontre, et fonctionne de part l’alchimie qui existe entre les différents personnage et grâce à l’application et l’implication des comédiens dans leur jeu – John Hawkes et Helen Hunt en tête, Moon Bloodgood aussi – droits et sans fausse pudeur (physique, émotionnelle). The Sessions n’est ni une fable, ni un tire-larme, mais un film, tour à tour drôle et triste, avec du coeur et une vraie bonne âme, et qui s’adresse à tous tant il regonfle le moral de chacun.

Benoît Thevenin

The Sessions ****

Sortie française le 6 mars 2013

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2 commentaires sur “The Sessions de Ben Lewin (2012)”

  1. selenie dit :

    Très beau film qui évite merveilleusement le pathos… 3/4

  2. dasola dit :

    Bonjour, j’ai moi aussi beaucoup apprécié ce film au sujet très « casse-gueule ». Il y a beaucoup de pudeur, les acteurs sont formidables, un très grand film. Bonne après-midi.

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