Récit de la disparition d’une enfant, et de la quête au long court pour la retrouver, Captives marque le retour au premier plan d’un cinéaste qui nous avait déçu ces dernières années.
Captives prend d’abord le temps de se déployer. La première demi-heure voit défiler les personnages sans qu’on les relie exactement entre eux. Les niveaux de temporalité se superposent aussi, sans que l’on s’en rende compte instantanément. Les pièces du puzzle se mettent ainsi en place, et le charme vénéneux de l’intrigue se diffuse lentement. Passé ce premier cap, le spectateur a toutes les clés en main pour comprendre plus ou moins vers ou le récit se dirige. Tout est dans cet a peu près, car Atom Egoyan ménage suffisamment bien le mystère pour entretenir le trouble chez le spectateur.
Ces dernières années, le cinéma n’a cessé de mettre en scène des histoires de séquestration d’enfants, qu’il s’agissent de Michael (Markus Schleinzer, 2011), A moi seule (Frédéric Videau, 2012) ou encore Prisoners (Denis Villeneuve, 2013). Le dénominateur commun des ces films tous très différents, c’est un certain réalisme d’ou émerge le malaise ou bien la violence la plus dure. Atom Egoyan propose une toute autre approche, dans la lignée directe de ses précédents films.
Dès les premières plans, le prédateur pédophile apparait à visage découvert. Est dévoilé dans le même temps un dispositif pour le moins étrange. La jeune adulte retenue prisonnière observe via des images de caméra de surveillance sa propre mère en train de faire son travail de femme de ménage dans un hôtel. A partir de là, c’est tout un jeu retord qui commence à se mettre en place, dans lequel la proie semble collaborer à l’entreprise perverse et cynique de son propre kidnappeur. En face du couple infernal, il y a donc le couple de ses parents. Le film dans tous ses aspects se développe comme ça dans des entre-deux et des antagonismes apparents. Les énigmes se multiplient ainsi dans les entrelacs des relations entre les différents personnages, dans les interstices temporels, dans la confrontation entre virtuel et réel.
Les allers et retours temporels montrent que l’enquête sur la disparition de la petite Cassandra sera restée irrésolue pendant 8 ans, laissant les parents dans un état de désespoir permanent. Comme dans Prisoners, le père, ici interprété par Ryan Reynolds, prend l’initiative de rechercher sa fille par ses propres moyens, même si sa quête semble totalement illusoire. Egoyan traite cette piste moins à la manière (violente et cinglante) de son compatriote Denis Villeneuve, qu’à celle obsessionnelle de la traque du Zodiaq dans le film de Fincher.
C’est par l’entremise des réseaux internet que le prédateur trouve un nouveau terrain de chasse et de jouissance. C’est aussi par ce prisme que l’enquête sur la disparition de Cassandra pourra rebondir. Egoyan développe ainsi, même si de façon très schématique, une réflexion déjà entamée dans son film pourtant très maladroit Adoration (2008). Internet est perçu comme un outil dangereux et malsain, sinon une arme.
La narration alambiquée permet de disséminer tous ces éléments très progressivement, tout en préservant toujours un mystère qui fait tout l’intérêt du film. Egoyan explore par là ses thèmes fétiches : les fantômes du passé, la reconstruction psychologique après un évènement extreme etc. Et c’est bien là qu’il est le plus convainquant, dans les bouleversements intérieurs qu’il impose à ses personnages. En revanche, quand le film bascule dans la série B la plus classique, Egoyan s’égare soudain : une course-poursuite peu efficace, une résolution de l’intrigue un peu trop forcée. L’exercice est sinon dans l’ensemble plutôt réussi. Elégant et subtile dans la forme, troublant et insolite dans sa construction, le film est surtout passionnant d’un bout à l’autre.