Il est des cinéastes insaisissables, difficiles à cerner, dont on comprend parfois mal la logique de la construction de leur oeuvre. Gus Van Sant en est un bon exemple, figure de proue du cinéma indé US à ses débuts (de Mala Noche à Prête à tout), expérimentateur singulier ( de Psycho à Paranoïd Park en passant par sa trilogie de l’errance), ou bien réalisateur lisse, sans aspérité et parfaitement consensuel (Will Hunting, Finding Forrester, Promised land etc.). S’il est difficile de nier que Gus Van Sant est un cinéaste doué et passionnant à plus d’un titre, on s’interroge soudain face à la découverte de La forêt des songes. Pourquoi a t’il accepté de faire ce film improbable, et surtout comment en est-il arriver à se rater dans d’aussi larges proportions ?
Pour cette dernière livraison, Gus Van Sant a convoqué Matthew McConaughey, sans doute le comédien le plus en vogue en ce moment, pour un périple jusqu’au Japon, plus précisément la forêt d’Aokigahara au pied du Mont Fuji. Le lieu est connu comme la forêt des suicides, et il n’est pas longtemps fait de mystères des intentions du personnage.
Son projet est avorté quand un zombie sorti de nulle part, interprété par un Ken Watanabe patibulaire (décidément le seul acteur japonais que Hollywood connaisse) vient le surprendre. Dès lors, les deux compères vont, bon an mal an, s’associer de façon improbable pour, s’échapper de cette forêt et survivre…
Mélo assumé, La forêt des songes déroule dans un premier temps, en flash back, les évènements de la vie d’Arthur Brennan (McConaughey) précédent sa décision d’en finir au Japon. Ainsi Arthur est marié à Joan (Naomi Watts), une femme qui ne l’aime plus et se plait à le rabaisser et l’humilier. Le couple ne s’entend plus, se déchire à longueur de disputes, mais sur un mode tout ce qu’il y a de plus caricatural, avec une Joan excessive à souhait et un Arthur parfaitement mielleux.
Les retours au présent, dans la forêt d’Aokigahara, ne sont pas plus consistants, avec des péripéties sans cesse grotesques (la chute depuis le haut d’une falaise par exemple), et une symbolique assommante et systématiquement surlignée (la neige quand un personnage meurt, la redécouverte par Arthur de qui était Joan etc.), jusqu’à l’écoeurement. Gus Van Sant ne nous épargne aucun poncif, aucune grossièreté et c’est parfaitement désespérant. Ca l’est d’autant plus que Gus Van Sant n’est pas le premier venu, et même s’il n’a pas toujours été un cinéaste très subtil, il a quand même su l’être régulièrement. Il semble s’être complètement perdu dans cette Forêt des songes, surtout que même sur le plan strictement artistique, sa mise en scène tout à fait quelconque ne sauve elle n’ont plus rien du tout.
B.T