Quatre ans après Polisse (Prix de la mise en scène à Cannes en 2011), Maïwenn signe un film tout de bruit et de fureur, et qui fait d’une certaine manière écho à la sulfureuse Vie d’Adèle de Kechiche (Palme d’Or 2013). De là a lui prévoir le même destin, il n’y a qu’un pas, que nous ne ferons pas.
Les films se ressemblent surtout sur un point, l’engagement émotionnel qu’ils réclament à leurs personnages et aux spectateurs. Mon Roi, c’est d’abord la promesse d’une passion amoureuse folle et tumultueuse, un tourbillon émotionnel plein d’emphase et de démonstration. C’est aussi une forme de conte, et la possibilité d’identifications aux héros, si elle est réelle, ne va pas obligatoirement de soi non plus.
Tony rencontre Georgio dans une boîte de nuit. Tout va très vite pour eux, sans barrière, tout dans l’excès. La caméra les accompagne et se faite vite exclusive. Il n’y a pas de place, ou si peu, pour les entourages, ni pour les métiers sensés faire vivre les personnages. Si Tony nous est présentée comme avocate et Georgio comme un homme d’affaire, le montage de leurs vies ne laisse pas imaginer qu’ils puissent se perdre dans une activité autre que la démonstration de leur passion amoureuse.
Si l’histoire s’apparente a un conte, c’est parce qu »elle se déroule sept pieds au moins au dessus du sol, en tout cas en marge de la réalité quotidienne des gens ordinaires. Il n’y a là rien de péjoratif. Georgio mène grand train, et lorsqu’il jette de la poudre aux yeux écarquillés d’admiration de celle qu’il a choisi, il en lance autant aux spectateurs. Ce Georgio, si fier, si fort, si triomphant, à qui rien ni personne ne résiste, que rien n’atteint ni ne touche, est incarné par un Vincent Cassel en très grande forme, le verbe et la bonne vanne toujours hauts, le regard et le sourire espiègles et attendrissants. Tony, sans être soumise non plus, est nettement en retrait, tout à fait dans l’émerveillement et dans le ravissement.
La mise en scène, elle même éclatante, colle parfaitement à la mécanique outrancière des personnages. Pour autant, Maïwenn n’est pas dans la vulagrité. Le film alterne les scènes d’amusements et de folie douce avec les séquences de dispute et de jalousie toujours très intenses. Il y a beaucoup de théâtre dans ces scènes qui chaque fois saute à la figure du spectateur. A un anniversaire fêté dans un restaurant dans la grande déconne mais au mépris de la tranquillité des autres clients, se répond par exemple une scène tragique et humiliante, où le couple explose face à un public d’amis atterrés.
Mon Roi est en effet le récit de la déconstruction d’un amour fou et déraisonnable, si tant est que la raison puisse avoir quelque chose a voir avec l’amour. Maïwenn interrompt régulièrement la narration d’une passion vécue pour revenir au présent, celui de la reconstruction physique de Tony. Dans la scène d’ouverture, il est suggéré que Tony se blesse gravement au genoux dans un accident de ski. Maïwenn alterne ainsi la mise en scène de la relation entre Tony et Georgio avec les étapes de la longue reconstruction du genoux de Tony au Centre de Capbreton. Il n’y a pas besoin d’avoir fait de longues études pour comprendre que la reconstruction psychologique de Tony se déroule en même temps que la reconstruction de son genoux. Cela dit, il y a là une très bonne idée. Au sein du centre, Tony renoue avec un environnement social plus terre à terre, avec des comportements machos plus légers et ordinaires qu’écrasant. Elle se reconstruit en temps que personne, dans le calme et en bénéficiant de la bienveillance de ceux autour d’elle. Ces séquences là sont l’oxygène nécessaire à la bonne respiration du film. Mon Roi est un film emballant, épuisant, et qui à cette capacité de rappeler à ceux qui l’on vécu combien l’amour déçu peut faire souffrir et détruire un être. C’était aussi le message de La Vie d’Adèle. Le film de Maïwenn n’a pas la même subtilité que celui de Kechiche, mais ça n’empêche pas qu’on puisse se le prendre lui aussi en pleine face.
B.T
Bonjour, tu pourras parler de Youth de Sorrentino si tu l’as vu ? J’avais trouvé La grande belleza très prétentieux et la mise en scène particulièrement pompeuse. Je suis curieuse de Youth car le superbe duo de comédiens (Michael Caine et Harvey Keitel) doit valoir le détour. Merci. Bon festival.