Rester Vertical d’Alain Guiraudie (2016)

rester vertical

Tout auréolé du bel accueil critique et publique de son Inconnu du lac, Alain Guiraudie débarque pour la première fois en compétition officielle à Cannes avec un film très fidèle à l’esprit libre et audacieux qui font sa réputation. Le double sens du titre est évident, pas besoin de faire un dessin. Il est autant question de fierté que de virilité. Pour autant, ce qui fait la singularité du cinéma de Guiraudie, et c’est particulièrement le cas ici, c’est cette manière d’établir des personnages tous sur un même plan, selon une parfaite horizontalité. Qu’importe les tabous, les associations improbables, Guiraudie va a l’encontre des préjugés, place tout le monde sur un même pied d’égalité, quitte à ce que cela provoque ou perturbe l’ordre établi.

Cinéaste en errance en Lozère, Léo (Damien Bonnard) est en quête d’on ne sait trop quoi précisément, de l’inspiration, un jeune comédien pour son film, ou bien cherche t’il seulement à faire face à l’un des loups qui décime les troupeaux de la région. La métaphore est évidente, et le loup, à mesure des rencontres qu’il va effectuer, il le trouvera sans problème.

Son itinéraire commence en tous les cas par la séduction instantanée d’une jeune bergère, laquelle ne va pas tarder à tomber enceinte. Ce n’est là que le point de départ d’un grand bazar dans lequel tous les personnages vont céder au pouvoir de séduction de Léo. Le jeune homme n’est pas autant mystérieux et subjuguant que le visiteur incarné par Terence Stamp dans Théorème de Pasolini, mais son arrivée dans la ruralité lozérienne provoque le même genre de bouleversements. Guiraudie ne cherche cependant pas à singer le sulfureux cinéaste italien, les films sont même très différents.

Le cinéaste met en scène une grande valse sexuelle, crue sans être obscène, loufoque car le sentiment de farce est présent tout le temps. Peut-être cela tient au fait que les préjugés du spectateur se confrontent directement à l’absence de retenue et à l’anticonformisme du cinéaste. Est-ce que l’on rit car les scènes sont drôles, ou bien l’on rit parce que ce que l’on voit parait exagéré et à l’inverse des représentations sociales les plus courantes ? La vérité est entre les deux. Il est évident que Guiraudie s’amuse et nous amuse, mais il est certain aussi qu’il y a quelque chose de l’ordre de la provocation, parce que les regards les plus conservateurs risquent eux de ne pas trouver ça très rigolo.

Avec audace et une totale liberté d’entreprise, Alain Guiraudie continue de creuser son sillon, à la marge des conventions, mais dans la plus pure tradition d’un cinéma atypique et étonnant, ni moralisateur ni condescendant, simplement droit dans ses bottes et farouchement à l’aise avec lui-même.

Benoît Thevenin

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