La fille inconnue de Luc et Jean-Pierre Dardenne (2016)

la file inconnue

Depuis le début des années 2010, les frères Dardenne accordent le premier rôle de leurs films à des actrices bankables. C’était Cécile de France dans Le Gamin au vélo (2011), puis Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit (2014), et c’est maintenant Adèle Haenel qui se retrouve confrontée aux murs que les cinéastes s’ingénient à ériger de manière systématique devant leurs héroïnes.

Jeune médecin à Liège, Jenny (Adèle Haenel) malmène son stagiaire de façon injuste quand soudain l’interphone de son cabinet raisonne. Plutôt que d’ouvrir, elle argue que le cabinet est fermé depuis plus d’une heure. Le lendemain matin, elle apprend qu’une jeune femme a été agressée et retrouvée morte. Il s’agit probablement de la personne à qui elle a refusé d’ouvrir. Eprise de culpabilité, elle part en quête de donner une identité à cette victime non identifiée.

Si tous les ingrédients des films des frères Dardenne sont bien là, si la générosité et la sincérité des cinéastes ne sont pas remises en question, si leur mise en scène au plus près de leur héroïne reste parfaitement en place et maîtrisée, quelque chose cette fois ne fonctionne pas. Peut-être cela tient, hélas, à Adele Haenel, comédienne formidable par ailleurs, mais qui ici ne convainc pas du tout. Il y a d’abord un problème de crédibilité, dans ses gestes, dans son attitude, qui fait que l’on ne croit pas trop en sa qualité de médecin. Il y a surtout un défaut d’implication de la part de l’actrice elle-même dans son personnage. Adèle Haenel interprète Jenny avec son flegme habituel, lequel  ne colle pas avec  le caractère viscéral et déterminé qui est commun à toutes les autres héroïnes des frères Dardenne. A côté d’elle, Jérémie Rénier ne s’en sort pas beaucoup mieux. Il apparaît caricatural, excessif et même en roue libre tant il semble improviser ses colères (cf. la scène de la confrontation finale). Tout cela donne l’impression d’un film simpliste et qui échappe pour partie à leurs auteurs.

L’intention des frères Dardenne était pourtant louable. La quête de Jenny pour trouver le nom de la fille inconnue a une dimension incontestablement plus large. Il s’agit de rendre honneur et visibilité aux laissés pour compte de la société, en l’occurrence ici, à une prostituée d’origine africaine. Il y a cependant quelque chose de bien trop schématique et manichéen dans cette démonstration.

Parfois les frères Dardenne s’égarent, et en ce moment c’est une fois sur deux. La Gamin au vélo ne nous avait pas convaincu alors que Deux jours, une nuit nous avait enthousiasmé. La fille inconnue nous paraît lui en dessous de tout ce qu’ils ont réalisés ensemble jusqu’alors.

Benoît Thevenin

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