La Gran Torino, vous la connaissez tous en théorie puisque la voiture mythique de Starsky & Hutch en est une. Cette Gran Torino, un modèle Ford, est le dernier trésor d’un vétéran de la Guerre de Corée (Clint Eastwood) qui, dans la séquence d’ouverture du film, est en train d’assister aux funérailles de son épouse. Il est un personnage aigris, détestable aux premiers abords, qui méprise tout son entourage, sa proche famille autant que ses voisins.
Pour son grand retour devant la caméra depuis Million Dollar Baby(2005), Clint Eastwood incarne un personnage complexe qui est d’une certaine manière la quintessence même de tout le cinéma d’Eastwood depuis quarante ans au moins. Le personnage de Walt Kowalski convoque quelque peu le plus célèbre des anti-héros Eastwoodiens. L’Inspecteur Harry continue de véhiculer un message très à droite, quand bien même les films autour de ce personnage sont bien plus complexes qu’ils n’y paraissent.
Dans un style et dans un genre très différent, c’est ce qui caractérise aussi le personnage de Walt dans Gran Torino. Eastwood joue avec cette image de mec très dur, très autoritaire, très macho aussi. Walt nous est d’abord montré sous un jour haïssable. Il semble mépriser les minorités dites raciales, notamment ces nouveaux voisins, une famille asiatiques originaires du Laos.
Walt, après être rentré de la Guerre de Corée, aura travaillé toute sa vie pour l’entreprise automobile Ford. Ce qui lui reste au crépuscule de son existence, c’est ce garage ou est à la fois entreposé un outillage extrêmement imposant destiné à réparer tout ce qui est réparable, et cette précieuse voiture dont il prend grand soin. Toute sa vie est là, tel des symboles de la vie de Walt et de sa place et de son utilité dans ce monde. Walt est un solitaire, un travailleur de l’ombre qui règle sans faire de bruit les problèmes d’une Amérique qui cherche perpétuellement à panser ses plaies. Walt est un éminent serviteur de cette Amérique qu’il aime et dont il exhibe fièrement le drapeau.
Son rapport aux autres est pourtant dès plus compliqué. Il communique mal avec son fils dont il confessera n’avoir jamais su l’élever, il hait la famille de son fils, et entretien un rapport ambigu avec ses voisins. On le voie d’abord dans une position fascisante à insulter les différences des autres parce qu’ils sont noirs ou jaunes.
L’humanité de Walt est cependant réelle et sincère. Derrière sa posture très dure, se cache un individu brisé, toujours traumatisé par la guerre, et qui rejette totalement l’idée que l’on puisse agresser un individu, surtout au prétexte de sa couleur de peau.
Walt est comme prisonnier d’une époque dont il a conservé les codes et dont il ne s’est jamais émancipé. Walt incarne une Amérique passéiste, rurale, très attachée aux valeurs morales et de la terre. Son attitude est celle d’un macho primaire : il ne supporte pas de voir sa petite fille exhiber son nombril autant que son langage ordurier représente en fait pour lui une réelle façon de déterminer sa virilité d’homme.
Là ou le film prend de la consistance, c’est dans la relation privilégiée qui va peu à peu se tisser entre Walt et ses jeunes voisins asiatiques. Dans un monde ou les valeurs sont mises à mal, Walt va comme se retrouver en cotoyant une famille qui continue de respecter et préserver les codes d’une tradition qui à toutes les raisons de se perdre si loin de sa terre d’origine.
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Gran Torino est un film humble, assez loin de l’ampleur que pouvait avoir les derniers films de Clint Eastwood. Et pourtant, le film est porteur d’une haute ambition, ne serait-ce que dans la narration. La puissance émotionnelle du récit est fulgurante et sans faille. Là ou le film est fascinant, c’est dans toutes ses complexités qu’Eastwood expose et dénoue sans jamais nous embrouiller, sans jamais non plus céder à des cheminements simplistes. Gran Torino évolue très subtilement dans un processus logique qui finit par étourdir par son bon sens.
Ces derniers temps, nous avions en ces pages, regretté dans les films d’Eastwood certaines directions narratives prises (Million Dollar Baby, L’Echange). Cette fois, le film fonctionne à 100% sans qu’aucune réserve ne vienne altérer la moindre charge affective. En revanche, c’est peut-être du point de vue de la mise en scène que le film paraît cette fois sage et conventionnel. Ce n’est pas une réserve, cette sobriété du traitement sied parfaitement au film, son sujet, son ambiance.
Gran Torino ne paraît pas être le plus ambitieux des films d’Eastwood et pourtant il y a la tout ce qui à fait son cinéma jusqu’alors : une autorité, des souvenirs de guerre, un certain humour, un caractère crépusculaire, une sensibilité émotionelle etc. A y regarder de près, c’est même plutôt ceci qui caractérise vraiment le cinéma d’Eastwood, cette sensibilité plutôt que ce style réactionnaire.
De Honkytonk Man à L’Echange, d’Un Monde parfait à Million Dollar Baby, en passant par Sur la route de Madison, Mystic River et tous ceux que nous avons sans doute oublié là, Eastwood à déjà maintes fois démontrés son aptitude à émouvoir. Gran Torino est dans cette lignée là, se différencie de certains de ces exemples par un cheminement plus discret de l’émotion, mais marche parfaitement. C’est l’une des plus belles réussites de cinéaste de Clint Eastwood.
Benoît Thevenin
Gran Torino – Note pour ce film :
Sortie française le 25 février 2009
Pas mon préféré de Eastwood mais un film qui m’as bien plu tout de même
Rien à rajouter …
comme souvent, avec un posutulat de départ qui devrait me faire fuir, au moins, ne pas m’interresser, Clint Eastwood fait un film proche du chef d’oeuvre
Ce n’est pas la première fois qu’il fait le coup
Amérique est un continent, pas un pays. Dites donc plutôt les États-Unis.
du rechaufer
une claque tout simplement.