The Square de Ruben Östlund (2017)

The Square

Cannes 2017 / En compétition

Christian (Claes Bang), bellâtre d’une quarantaine d’année, est commissaire d’exposition d’un prestigieux musée d’art contemporain à Stockholm. Allure droite, lunettes à monture rouge vif, attitude flegmatique, il est une caricature ambulante. Christian conduit une Tesla, distribue les sourires et ne s’énerve jamais. Un chic type. Soudain, un incident va chambouler sa petite vie apparemment très tranquille. Dans une mise en scène grotesque en pleine rue, alors qu’une femme traverse une grande place en hurlant qu’elle est pourchassée par quelqu’un qui veut la tuer, Christian se retrouve pris à témoin. Il ne sait pas quoi faire, il est lui même terrifié et impuissant. Aussitôt après la scène, passé le moment d’auto congratulation faussement virile, il se rend compte qu’on lui a subtilisé son téléphone, son portefeuille… et ses boutons de manchette.

Dans ce film, son quatrième après notamment Happy Sweden et Snow Therapy, Ruben Östlund confirme ce que l’on savait de lui. Il est un cinéaste de l’observation des lâchetés ordinaires, et son regard, qui n’a rien de sentencieux ou méprisant, n’en demeure pas moins affuté et pertinent. La grande question que pose The Square n’est en elle-même pas très originale. Que se cache t’il dessous le vernis des apparences ? C’est avec habileté et intelligence que le cinéaste va s’atteler à répondre à cette interrogation

Dans le film, The Square est le nom de l’installation d’art contemporain dont Christian dirige, avec son équipe, la communication. L’exposition vise à promouvoir l’altruisme et la confiance, deux notions simples mais avec lesquels Christian va, à chaque occasion qui lui est présenté, entré en contradiction. Il n’est en fait qu’un pauvre type, un homme prétentieux, désinvolte, peureux et incapable de déléguer sa confiance, par exemple à sa partenaire sexuelle. Il est un individu sous contrôle de lui même, dont la posture est plus importante que les actions qu’il consent. Si Christian concentre à lui seul toute une somme d’hypocrisies très ordinaires, il n’est pas le seul idiot du village, bien au contraire. Autour de lui, les personnes ne valent pas mieux.

Ruben Östlund décrit le paradoxe d’une société aseptisée qui au delà des grands principes qu’elle défend (la solidarité, la bienveillance envers autrui quelque soit sa différence) trouve assez peu d’écho dans les faits tels qu’ils sont présentés. Pour autant, Ruben Östlund ne dénonce ni ne juge, il observe simplement et tend à nous spectateur, ce miroir qui reflète nos propres contradictions. Le film s’adresse en effet à ceux qui vont voir ce type de films, ces métrages qu’on voit à Cannes et qui n’intéresse, pour caricaturer grossièrement, qu’une poignée de bobos très propres sur eux. C’est ce même public qui souvent déambule dans les musées d’art moderne. Or, dans The Square, le monde de l’art contemporain en prend largement pour son grade, entre le peu de précaution accordé aux oeuvres, les discours creux, les stratégies de communication idiote et infâmes et sans compter le comportement des visiteurs, ou bien ceux des invités des vernissages. Il semble ainsi évident que tout le monde  n’appréciera pas forcément de se reconnaître dans la description doucement ironique que propose Ruben Östlund, mais c’est ce qui fait aussi la qualité du film, un film qui a du sens, qui pose un regard pertinent, et qui est à même de déranger un peu les gens bien élevés.

B.T

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