Cannes 2017 / En compétition
Invité permanent du Festival de Cannes, Hong Sang-soo présente cette année deux films. Le premier, La Caméra de Claire, est un petit essai que le cinéaste à tourné en catimini en quelque jours, en plein Cannes 2016. Montré un an plus tard en Séance spéciale/Hors compétition, il raconte, à travers la rencontre avec la dite Claire (Isabelle Huppert), les tourments émotionnels d’une jeune coréenne soudain remerciée par sa patronne productrice, laquelle n’est autre que l’épouse jalouse d’un célèbre cinéaste coréen en compétition à Cannes. Le réalisateur en question s’appelle So Wan-soo, et la jeune coréenne interprétée par Kim Min-hee a pour nom Jeon Man-hee. On peut difficilement imaginer mise en abîme plus transparente. En l’occurrence, il y a justement un an, Hong Sang-soo et Kim Min-hee officialisaient leur liaison.
Le jour d’après, long-métrage qui a lui l’honneur de figurer en compétition pour la Palme d’Or cette année, constitue une sorte de prolongement de La Caméra de Claire. Il est toujours question de l’infidélité et de la goujaterie d’un homme coréen empêtré dans les jupons de ses jeunes collaboratrices. Si dans La Caméra de Claire, l’homme volage est un cinéaste de renom, dans Le Jour d’après il s’agit d’un petit éditeur coréen, et tous deux jettent leur dévolu sur un personnage à chaque fois joué par Kim Min-hee.
L’incorrigible Hong Sang-soo met ainsi en scène ses tribulations sentimentales de films en films, ce qui n’a jamais été un secret, sans pour autant donner le beau rôle aux alter ego masculins qu’il place à l’écran. C’est une constante dans le cinéma de Hong Sang-soo, et cela se vérifie encore avec ces deux films, les personnages masculins sont égoïstes, menteurs, lâches et pour tout dire quelque peu pathétiques. Les femmes ne sont pas mieux traitées pour autant, à la fois humiliées, perdues, ballotées et naïves. Ainsi va la vie dans les films de Hong Sang-soo. un cinéaste qui n’a pas son pareil pour tourner en comédie ses propres errements sentimentaux.
Dix sept ans après La Vierge mise à nue par ses prétendants en 2000 (et six ans après Matins calmes à Séoul, 2011) Hong Sang-soo renoue avec Le Jour d’après avec le noir et blanc. Ce choix offre un cachet un peu différent au film, mais rien de plus. Hong Sang-soo déroule comme à son habitude une forme et des motifs simples, de longues discussions alcoolisées, toujours en plan-séquence, et souvent dans les mêmes décors, avec aussi le recours au zoom avant.
La manière est simple, mais il y a un attachement à cet univers là. Hong Sang-soo ne se renouvelle jamais dans les grandes largeurs, agace par sa manière de considérer les rapports entre hommes et femmes, mais il reste ce cinéaste attachant et singulier dont on se délecte encore et toujours des nouvelles pérégrinations. Le parallèle avec La Caméra de Claire (dont on imagine le clin d’oeil de Hong Sang-soo à son amie Claire Denis, autant que l’on note la proximité phonique avec Le Genou de Claire d’Eric Rohmer) tend à renforcer la lecture du Jour d’après, mais dans un cas comme dans l’autre, autant les films sont plaisants à voir, autant ils ne paraissent pas vraiment indispensables. On les apprécie comme on aime recevoir des nouvelles d’un ami de longue date, ni plus, ni moins.
B.T