Les Proies de Sofia Coppola (2017)

Kirsten

Remake du film éponyme de Don Siegel avec Clint Eastwood réalisé en 1971, Les Proies trouve immédiatement sa place dans la filmographie de Sofia Coppola. C’est même, sur bien des aspects, le pendant direct de son culte Virgin Suicides (2000).

S’il est débarrassé des affèteries pop habituelles de la cinéaste, Les Proies, 6e long-métrage de Sofia Coppola, et son film le plus sobre d’un point de vue esthétique, n’en demeure pas moins une oeuvre entièrement dans la lignée de son travail jusqu’à présent. Le film a sa singularité bien sûr, notamment parce qu’il se déroule dans le contexte de la Guerre de Sécession, mais il est aussi le plus proche dans sa thématique et même dans sa construction narrative du culte Virgin Suicides.

Sofia Coppola aime raconter des histoires d’adolescentes coupées du monde, enfermées dans des prisons réelles ou imaginaires. Dans Les Proies, elles sont cinq – comme dans Virgin Suicides – a vivre isolées dans un pensionnat pour jeunes filles perdu au milieu de nulle part. Elles sont sous l’autorité non pas d’une mère possessive comme l’est Kathleen Turner dans Virgin Suicides, mais d’une directrice sévère qui est là interprétée par Nicole Kidman. L’institutrice venue de la ville et jouée par Kirsten Dunst se montre elle autant réservée que le père Lisbon, lui même prof d’ailleurs (James Wood).

Les deux films se ressemblent sur bien des aspects, la différence d’âge entre les cinq adolescentes, la cohésion qui existe entre elle, leur enfermement donc et, bientôt, l’éveil de leurs pulsions sexuelles, du moins pour les ainées. Pour autant les deux films sont radicalement différents. Le personnage du Caporal McBurney, soldat sudiste déserteur et gravement blessé, exerce certes assez immédiatement une fascination auprès de toutes les femmes de la maison qui est un peu comparable à celle de Trip Fontaine sur Lux Lisbon et les  autres filles du lycée, mais les comparaisons doivent s’arrêter là. Les Proies ne raconte pas l’étouffement jusqu’à la mort de jeune adolescentes fascinantes et mystérieuses, mais plutôt la (re)naissance d’un désir sexuel réprimé par l’absence d’homme au sein de la communauté.

Là ou Sofia Coppola excelle avec Les Proies, c’est dans cette ambiance sombre et troublante qu’elle réussit à installer. Toutes les femmes de ce pensionnat semblent éprises du beau soldat, mais celui-ci apparaît dangereux, il est l’étranger, et il se révèle d’autant plus inquiétant qu’il redevient mâle et animal à mesure qu’il retrouve ses forces et sa vigueur.

Récit pervers et cruel, aux limites du grand guignol même, Les Proies joue habilement des attentes en les renversant. C’est un film vengeur et jouissif, probablement le plus directement féministe de la cinéaste.

B.T

Email

Laisser une réponse